Présentation

Archives zoliennes : l’espace de l’enseignant

Lire, écrire et penser avec les archives zoliennes, de l’école au lycée

Destiné notamment aux enseignants des premier et second degrés, cet espace didactique et pédagogique proposera quatre entrées :

  • 1 – Des études universitaires dans le champ de la didactique de la littérature naturaliste.
  • 2 – Un éventail d’activités de classe sous la forme de séquences intégrant démarches, supports et évaluations.
  • 3 – Des témoignages et des comptes rendus de cours effectués dans les classes, portant sur Zola et le naturalisme.
  • 4 – Des pistes d’exploitation pédagogique des documents numérisés sur le site Archiz. Ces pistes sont en lien avec la réflexion plus large sur le rôle des TICE dans l’enseignement et l’étude de l’image fixe en classe (photographie, peinture, caricature, etc.).

Cette rubrique propose pour l’instant quelques liens vers des études générales sur les transpositions didactiques du naturalisme, et des articles qui abordent l’intérêt des écritures « programmatiques  » en contexte scolaire, notamment à partir des dossiers préparatoires de Zola. Cet écrivain présente la particularité de planifier et de commenter son projet de roman au moyen de divers documents génétiques (ébauche, plans détaillés, croquis, fiches, notes, documents variés…) qui constituent ses dossiers de travail, avant de se lancer dans la phase rédactionnelle du manuscrit ou dans celle des corrections sur les épreuves imprimées. L’hypothèse consiste à penser que ces formes d’écriture, encore peu développées en contexte scolaire, sont susceptibles d’aider les élèves en difficulté à planifier leur production écrite et, plus largement, qu’elles proposent un outil d’écriture qui favorise chez tous les scripteurs le développement des compétences d’anticipation et d’autonomie dans le projet d’écriture, de façon transdisciplinaire. Elles ne se substituent pas aux approches rédactionnelles classiques qui placent la réécriture d’un premier jet et les opérations de raturage au centre de l’activité mais elles proposent de les compléter en tenant compte, du point de vue didactique, de cet espace-temps du projet, en amont de la verbalisation discursive qui pour certains élèves concentrent simultanément tous les problèmes de l’écriture : inventer, planifier, mettre en mots, réviser,
mettre au propre. Les dispositifs proposés à partir de l’hypothèse pré-rédactionnelle visent ainsi à déplier l’acte d’écriture sans pour autant le décomposer uniquement en tâches plus simples, mais plutôt en abordant autrement la complexité du processus, par exemple au moyen du « dessin de fiction  » au service de l’écriture narrative, ou encore en abordant de façon plus dialectique l’intention initiale d’un projet, sa réalisation textuelle effective, et sa réception commentée par les pairs. L’enjeu est bien de penser autrement la socialisation de l’écrit dans la classe et les interactions entre le sujet scripteur individué et le groupe, dont dépend la construction d’une culture commune intériorisée et incarnée, par exemple dans le débat interprétatif autour des textes produits par les élèves.

Plus précisément, dans le domaine de la critique génétique, que recouvre l’opposition que P.-M. de Biasi décrit comme étant celle qui distingue, d’un côté, l’écriture à « programmation scénarique » et de l’autre l’écriture à « structuration rédactionnelle » ? Pour les études génétiques, Zola constitue le parangon de l’écriture préparatoire  : il pratique couramment le plan qui organise la matière, la liste qui énumère, la note qui synthétise et la fiche personnage qui résume, afin de construire le scénario de son futur roman. Il dessine systématiquement des croquis afin d’en inventer les lieux. Inversement, Stendhal et Proust rédigent tout de suite des brouillons manuscrits, dans une logique qui suppose d’entrée in medias res dans la mise en mots. Compte tenu de ces acquis théoriques, l’objectif du travail en lien avec le terrain des apprentissages est d’enrichir la pratique scolaire des écrits préparatoires, notamment du brouillon traditionnel, immédiatement textualisant, à la lumière de l’hypothèse relative aux écritures qui favorisent l’anticipation, la prévision et la provision de matériaux. En effet, un écrivain comme Zola nous montre qu’écrire peut s’effectuer au moyen de formes qui ne sont pas rédigées à la façon des brouillons linéaires. Or, en contexte scolaire, les élèves écrivent en majorité dans une logique d’écriture rédactionnelle, naturellement installée dans les pratiques et les enseignements. Seulement, elle suppose de bien maîtriser la syntaxe et l’orthographe pour exprimer sa pensée dans un premier jet et souvent dans une urgence à écrire au fil de la plume sur son cahier de brouillon. Aussi, dans le cadre des hypothèses de la critique génétique, des expérimentations de terrain au sein de recherches-actions conduites de l’école au lycée ont testé des écritures programmatiques. Celles-ci se sont révélées être des instruments bénéfiques pour des élèves en difficulté qui ne parvenaient pas à rédiger en pensant et à penser en rédigeant. Pour d’autres, elles semblent répondre à des profils de scripteurs plutôt planificateurs. Dans certaines situations d’écriture,
elles apparaissent aussi comme une stratégie de plus, à la disposition de tous les élèves. Ces circuits d’écriture sont figurés par le diagramme suivant, qui montre comment le scripteur peut circuler dans l’espace génétique de son projet, en amont ou en aval du brouillon, de façon linéaire ou selon des retours en boucle, en usant ou pas du dessin et de l’autocommentaire. Une fois le dispositif mis en place, reste son ancrage dans la vie intellectuelle et sensible de la classe, qui s’avère fondamental.

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Ces approches constituent des compléments aux démarches rédactionnelles existantes, auxquelles elles doivent s’articuler jusqu’à la révision et la mise au propre du texte. Elles permettent d’élargir le clavier d’écriture de l’élève en amont du brouillon, afin de lui offrir un plus grand éventail de stratégies scripturales, notamment sous l’angle de l’organisation macrostructurale du texte. En outre, elles ouvrent sur un espace concret du projet en devenir, de sa programmation, de ses dispositifs et de son évaluation. La langue, la culture, l’initiative et l’autonomie, au cœur des piliers du Socle commun de connaissances et de compétences (2005), sont aussi au centre des démarches d’écritures programmatiques présentées ici. Elles offrent ainsi une place privilégiée au sujet lecteur et scripteur.

Ce sont ces propositions dessinant une « didactique du prérédactionnel », de l’école au lycée, qu’exposent certains articles référencés dans cette rubrique, tantôt en lien direct avec les questions d’écriture en contexte scolaire, tantôt en relation avec l’arrière plan littéraire et historique des pratiques d’écriture en régime naturaliste qu’abordent les autres études signalées. Précisons toutefois que la logique de l’écriture programmatique n’est pas une invention du siècle de Zola et Flaubert. Elle appartient au patrimoine anthropologique de la pensée qui se projette, se réfléchit, s’extériorise dans des langages multiples et se ressaisit pour mieux se relancer. En ce sens, arrachée à un contexte historique précis (le XIXe siècle), à un mouvement littéraire périodisé (le naturalisme) ou à un genre dominant (le roman réaliste), l’écriture programmatique réclame que notre époque contemporaine lui donne à son tour ses nouveaux usages et ses visages neufs, notamment grâce aux supports numériques contemporains, ainsi que ses orientations philosophiques, notamment celles d’un humanisme poststructuraliste et interculturel.

Pour en savoir plus : Lire l’article de Françoise Gomez et Olivier Lumbroso sur le site de L’Ecole des Lettres, « Une nouvelle didactique de l’écriture imaginée par le groupe OZER ».

BIBLIOGRAPHIE

1- OUVRAGES

  • L’Ecole des lettres, Année 1988-1989, II. N°6, « Zola et le naturalisme ».

  • L’Ecole des lettres, Année 1992. N°8. 83ème année, « La description naturaliste ».

  • – Revue TDC (Textes et Documents pour la Classe), n°1031, mars 2012. « Le naturalisme ». Un numéro spécial consacré à un mouvement littéraire appréhendé dans ses audaces politiques et artistiques. Contributions de C. Pierre, J.-M. Pottier, J.-S. Macke, M. Faten Sfar, M.-A. Fougère. Interview d’H. Mitterand.

    http://www.cndp.fr/tdc/fileadmin/docs/tdc_1031_naturalisme/sommaire.pdf

  • – Valdinoci, Martine / Pottier, Jean-Michel.La génétique textuelle : travaux, recherches, colloque, IUFM de Reims, 3 mai 2001 CRDP de Champagne-Ardenne, 2002. 99 p. ; 30 cm. Journées d’études, 5. ISBN 2-86633-372-1.

    Résumé : Prenant essentiellement en compte les manuscrits des XIXe et XXe siècles, la génétique des textes se propose de réunir les traces polymorphes que des écrivains, ici Émile Zola, Proust, Saint-John Perse, ont laissées avant d’aboutir à la version définitive de leurs textes : notes, fragments, ajouts, correspondances, brouillons et ratures, qui sont autant d’étapes dans le processus de création. L’intérêt de cet ouvrage est de montrer à l’enseignant de lettres, à travers des expériences de terrain, que ces savoirs sur un texte peuvent être transposés dans une pratique didactique de l’écriture, à partir du travail sur les brouillons.

2- ARTICLES

  • – Lumbroso, Olivier (2007). Esquisse d’un dialogue entre didactique de l’écrit et critique génétique : l’élève « auteur-dessinateur ». Revue Française de Pédagogie, n°159, mai-juin.

    http://rfp.revues.org/1151

    Résumé : Dans la classe de français, le brouillon rédigé reste souvent d’une utilisation délicate pour les élèves, qui parviennent difficilement à réécrire leur texte au-delà d’un raturage local. Cet article se propose de repenser l’écrit préparatoire à la lumière des manuscrits littéraires, notamment ceux des « écrivains-dessinateurs », comme Zola, et au moyen des outils de la critique génétique. Comment le croquis de fiction développe-t-il chez l’élève de cycle 3 une capacité nouvelle à penser le texte narratif dans l’espace graphique, grâce à un langage hybride qui conjoint le savoir-voir et le savoir-écrire ?

  • – Lumbroso, Olivier (2008). La critique génétique au lycée : auto-consignes et écrits préparatoires, Le Français aujourd’hui, n°160, mars, p.119-130.

    http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=LFA_160_0119

    Résumé : En introduisant un objet d’étude qui porte sur le « travail de l’écriture » en classe de Seconde, les Programmes officiels de 2001 ont créé des ponts inédits entre l’enseignement de la littérature au lycée et la critique génétique. Cette étude se propose de montrer les apports des études de genèse à la didactique de l’écriture, leurs limites et les horizons possibles de recherches innovantes autour de la notion d’auto-consigne. L’article conclut sur la perspective d’une didactique du prérédactionnel qui complète, en amont, le brouillon rédigé, couramment utilisé dans les classes et souligne l’usage trop restreint de la génétique pour uniquement mieux lire les œuvres.

  • – Lumbroso, Olivier (2009). Entrer dans l’écriture littéraire en Seconde – pour un développement de la compétence programmatique, Repères, p.227-248.

    http://ife.ens-lyon.fr/edition-electronique/archives/reperes/web/fascicule.php?num_fas=606

    Résumé : À partir d’une expérimentation réalisée en classe de Seconde dans le domaine de l’écriture narrative, l’article propose quelques pistes didactiques afin de développer chez l’élève, de façon régulière et variée, des capacités à programmer l’écrit à l’état natif. Donner à l’élève l’opportunité de forger son propre métadiscours de genèse semble une voie possible pour développer l’autonomie et le désir d’entrer dans un projet propre en développant une poétique à soi. Il apparait que la compétence programmatique peut déplacer la perspective sur l’écriture en verbalisant explicitement des intentions esthétiques, un souci du lecteur, l’anticipation des structures du texte.

  • – Lumbroso, Olivier (2010). Pour une didactique du prérédactionnel, Genesis. Manuscrits, Recherche, Invention, n°30 (Théorie : état de lieux), p. 177-182.

    http://www.item.ens.fr/index.php?id=533905

  • – Pagès, Alain (1994), « Transposition didactique et réception de l’œuvre littéraire Un exemple : l’œuvre d’Émile Zola », L’Ecole des Lettres des lycées, n°7.

    http://www.ecoledeslettres.fr/index.php?mode=rs&ot=&nl=0&p=article_fiche&ra=1397

  • – Pagès, Alain (2000), « L’espace littéraire du naturalisme », Pratiques, n°107-108, p. 89-114.

    http://www.pratiques-cresef.com/cres0500.htm

    Résumé : dans le cadre des nouveaux programmes du lycée de 2001, l’article fait le point sur le concept littéraire de « naturalisme », selon un éclairage historique et sociologique qui renouvelle les classements traditionnels et leur donne de nouveaux horizons dans le domaine de la didactique de la littérature. C’est à l’intérieur du champ littéraire, structuré par des pratiques communes et dominantes (les thèmes et les formes naturalistes) autant que par des tensions et des ruptures (générationnelles, esthétiques, etc.), que des pistes pédagogiques sur les dossiers de travail des écrivains naturalistes trouvent leur place.

  • – Pagès, Alain (2006), « Zola romancier classique », Enseigner le français. Mission laïque française, n°5, pp. 7-12.

    http://www.mlfmonde.org/IMG/pdf/07_12_EF05.pdf

    Résumé : l’article montre en quoi Zola peut être considéré comme un auteur « classique ». L’un des traits marquants de ce classicisme est que son œuvre fictionnelle est encore lisible pour un lycéen d’aujourd’hui. Cette lisibilité peut se mesurer en envisageant trois thèmes didactiques : la série qui construit la cohérence des ensembles romanesques, l’exemplarité (du point de vue de la réflexion sur le roman) et l’interdisciplinarité (les relations de la littérature et de l’Histoire).

Olivier LUMBROSO