Un dimanche de la fin septembre, Maurice fut envoyé en corvée, à l’autre bout de la ville, et les rues qu’il suivit, les places qu’il traversa l’emplirent d’une nouvelle espérance. Depuis la déroute de Châtillon, il lui semblait que les cœurs s’étaient haussés pour la grande besogne. Ah ! ce Paris qu’il avait connu si âpre à jouir, si près des dernières fautes, il le retrouvait simple, d’une bravoure gaie, ayant accepté tous les sacrifices. On ne rencontrait que des uniformes, les plus désintéressés portaient un képi de garde national. Comme une horloge géante dont le ressort éclate, la vie sociale s’était arrêtée brusquement, l’industrie, le commerce, les affaires ; et il ne restait qu’une passion, la volonté de vaincre, l’unique sujet dont on parlait, qui enflammait les cœurs et les têtes, dans les réunions publiques, pendant les veillées des corps de garde, parmi les continuels attroupements de foule barrant les trottoirs. Ainsi mises en commun, les illusions emportaient les âmes, une tension jetait ce peuple au danger des folies généreuses. C’était déjà toute une crise de nervosité maladive qui se déclarait, une épidémique fièvre exagérant la peur comme la confiance, lâchant la bête humaine débridée, au moindre souffle. Et Maurice assista, rue des Martyrs, à une scène qui le passionna : tout un assaut, une bande furieuse se ruant contre une maison dont on avait vu une des fenêtres hautes, la nuit entière, éclairée d’une vive clarté de lampe, un évident signal aux Prussiens de Bellevue, par-dessus Paris. Des bourgeois hantés vivaient sur leurs toits, poursurveiller les environs. La veille, on avait voulu noyer dans le bassin des Tuileries un misérable qui consultait un plan de la ville, ouvert sur un banc.