Maurice, bien qu’il ne connût pas ce point de la frontière, jura qu’il suffisait de marcher devant soi. Tousdeux alors, l’un derrière l’autre, se glissèrent, filèrent avec précaution, jusqu’à la lisière des taillis. Là, se rappelant l’indication du bourgeois obligeant, ils voulurent tourner à gauche, pour couper à travers des chaumes. Mais, comme ils rencontraient une route, bordée de peupliers, ils aperçurent le feu d’un poste prussien, qui barrait le passage. La baïonnette d’une sentinelle luisait, des soldats achevaient leur soupe en causant. Et ils rebroussèrent chemin, se rejetèrent au fond du bois, avec la terreur d’être poursuivis. Ils croyaient entendre des voix, des pas, ils battirent ainsi les fourrés pendant près d’une heure, perdant toute direction, tournant sur eux-mêmes, emportés parfois dans un galop, comme des bêtes fuyant sous les broussailles, parfois immobilisés, suant l’angoisse, devant des chênes immobiles qu’ils prenaient pour des Prussiens. Enfin, ils débouchèrent de nouveau sur le chemin bordé de peupliers, à dix pas de la sentinelle, près des soldats, en train de se chauffer tranquillement.