Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°772)

Partie : Partie 2, chapitre III

Alors, il disait ses visites, lui parlait d'une connaissance saluée, lui donnait quelque renseignement, une étoffe ou un meuble entrevu à un étalage. Et souvent, en parlant, ses yeux rencontraient les yeux d'Hélène. Ni l'un ni l'autre ne détournait la tête. Ils se regardaient face à face, sérieux une seconde, comme s'ils se fussent vus jusqu'au cœur ; puis, ils souriaient, les paupières lentement abaissées. La vivacité nerveuse de Juliette, qu'elle noyait d'une langueur étudiée, ne leur permettait pas de causer longtemps ensemble ; car la jeune femme se jetait en travers de toutes les conversations. Pourtant, ils échangeaient des mots, des phrases lentes et banales, qui semblaient prendre des sens profonds et qui se prolongeaient au-delà du son de leurs voix. A chacune de leurs paroles, ils s'approuvaient d'un léger signe, commesi toutes leurs pensées eussent été communes. C'était une entente absolue, intime, venue du fond de leur être, et qui se resserrait jusque dans leurs silences. Parfois, Juliette arrêtait son bavardage de pie, un peu honteuse de toujours parler.

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