Monsieur Kahn, monsieur Béjuin, le colonel, toute la bande se jeta dans les bras du nouveau ministre. La nomination devait paraître le lendemain seulement au Moniteur, à la suite de la démission de Rougon ; mais le décret était signé, on pouvait triompher. Ils lui allongeaient de vigoureuses poignées de main, avec des ricanements, des paroles chuchotées, un élan d'enthousiasme que contenaient à grand-peine les regards de toute la salle. C'était la lente prise de possession des familiers, qui baisent les pieds, qui baisent les mains, avant de s'emparer des quatre membres. Et il leur appartenait déjà ; un le tenait par le bras droit, un autre par le bras gauche ; un troisième avait saisi un bouton de sa redingote, tandis qu'un quatrième, derrière son dos, se haussait, glissait des mots dans sa nuque. Lui, dressant sa belle tête, avait une dignité affable, une de ces imposantes mines, correctes, imbéciles, de souverain envoyage, auquel les dames des sous-préfectures offrent des bouquets, comme on en voit sur les images officielles. En face du groupe, Rougon, très pâle, saignant de cette apothéose de la médiocrité, ne put pourtant retenir un sourire. Il se souvenait.