Son Excellence Eugène Rougon

Son Excellence Eugène Rougon (paragraphe n°1108)

Chapitre VI

Dix heures sonnèrent. Madame Rougon, poussant un guéridon au milieu de la pièce, servit le thé. C'était l'heure où des groupes isolés se formaient dans les coins. Monsieur Kahn, une tasse à la main, debout devant Delestang, qui ne prenait jamais de thé, parce que ça l'agitait, entrait dans de nouveaux détails sur son voyageen Vendée ; sa grande affaire de la concession d'une voie ferrée de Niort à Angers en était toujours au même point ; cette canaille de Langlade, le préfet des Deux-Sèvres, avait osé se servir de son projet comme de manœuvre électorale en faveur du nouveau candidat officiel. Monsieur La Rouquette, maintenant, passant derrière les dames, leur glissait dans la nuque des mots qui les faisaient sourire. Derrière un rempart de fauteuils, madame Correur causait vivement avec Du Poizat ; elle lui demandait des nouvelles de son frère Martineau, le notaire de Coulonges ; et Du Poizat disait l'avoir vu, un instant, devant l'église, toujours le même, avec sa figure froide, son air grave. Puis, comme elle entamait ses récriminations habituelles, il lui conseilla méchamment de ne jamais remettre les pieds là-bas, car madame Martineau avait juré de la jeter à la porte. Madame Correur acheva son thé, toute suffoquée.

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