Nana
Nana (paragraphe n°732)
Chapitre IV
Une griserie mettait aux joues de Lucy Stewart les flammes rouges des poitrinaires, tandis que Rose Mignon se faisait tendre, les yeux humides. Tatan Néné, étourdie d'avoir trop mangé, riait vaguement à sa bêtise. Les autres, Blanche, Caroline, Simonne, Maria, parlaient toutes ensemble, racontant leurs affaires, une dispute avec leur cocher, un projet de partie à la campagne, des histoires compliquées d'amants volés et rendus. Mais un jeune homme, près de Georges, ayant voulu embrasser Léa de Horn, reçut une tape avec un : " Dites donc, vous ! lâchez-moi ! " plein d'une belle indignation ; et Georges, très gris, très excité par la vue de Nana, hésita devant une idée qu'il mûrissait gravement, celle de se mettre à quatre pattes, sous la table, et d'aller se blottir à ses pieds, ainsi qu'un petit chien. Personne ne l'aurait vu, il y serait resté bien sage. Puis, sur la prière de Léa, Daguenet ayant dit au jeune homme de se tenir tranquille, Georges, tout d'un coup, éprouva un gros chagrin, commesi l'on venait de le gronder lui-même ; c'était bête, c'était triste, il n'y avait plus rien de bon. Daguenet pourtant plaisantait, le forçait à avaler un grand verre d'eau, en lui demandant ce qu'il ferait, s'il se trouvait seul avec une femme, puisque trois verres de champagne le flanquaient par terre.