Nana
Nana (paragraphe n°2466)
Chapitre XII
Puis, refermant les paupières, elle parut morte. Une ombre d'angoisse profonde avait passé sur le visage de Muffat. Dans le coup qui le frappait, il oubliait depuis la veille des embarras d'argent, dont il ne savait comment sortir. Malgré des promesses formelles, le billet de cent mille francs, renouvelé une première fois, venait d'être mis en circulation ; et Labordette, affectant le désespoir, rejetait tout sur Francis, disait qu'il ne lui arriverait plus de se compromettre dans une affaire, avec un homme depeu d'éducation. Il fallait payer, jamais le comte n'aurait laissé protester sa signature. Puis, outre les nouvelles exigences de Nana, c'était chez lui un gâchis de dépenses extraordinaires. Au retour des Fondettes, la comtesse avait brusquement montré un goût de luxe, un appétit de jouissances mondaines, qui dévoraient leur fortune. On commençait à parler de ses caprices ruineux, tout un nouveau train de maison, cinq cent mille francs gaspillés à transformer le vieil hôtel de la rue Miromesnil, et des toilettes excessives, et des sommes considérables disparues, fondues, données peut-être, sans qu'elle se souciât d'en rendre compte. Deux fois, Muffat s'était permis des observations, voulant savoir ; mais elle l'avait regardé d'un air si singulier, en souriant, qu'il n'osait plus l'interroger, de peur d'une réponse trop nette. S'il acceptait Daguenet comme gendre de la main de Nana, c'était surtout avec l'idée de pouvoir réduire la dot d'Estelle à deux cent mille francs, quitte à prendre pour le reste des arrangements avec le jeune homme, heureux encore de ce mariage inespéré.