Nana

Nana (paragraphe n°1789)

Chapitre IX

Muffat était seul, dans le silence de ce coin de maison. Comme il passait devant le foyer des artistes, il avait aperçu, par les portes ouvertes, le délabrement de la vaste pièce, honteuse de taches et d'usure au grand jour. Mais ce qui le surprenait, en sortant de l'obscurité et du tumulte de la scène, c'étaient la clarté blanche, le calme profond de cette cage d'escalier, qu'il avait vue, un soir, enfumée de gaz, sonore d'un galop de femmes lâchées à travers les étages. On sentait les loges désertes, lescorridors vides, pas une âme, pas un bruit ; tandis que, par les fenêtres carrées, au ras des marches, le pâle soleil de novembre entrait, jetant des nappes jaunes où dansaient des poussières, dans la paix morte qui tombait d'en haut. Il fut heureux de ce calme et de ce silence, il monta lentement, tâchant de reprendre haleine ; son cœur battait à grands coups, une peur lui venait de se conduire comme un enfant, avec des soupirs et des larmes. Alors, sur le palier du premier étage, il s'adossa contre le mur, certain de n'être pas vu ; et, son mouchoir aux lèvres, il regardait les marches déjetées, la rampe de fer polie par le frottement des mains, le badigeon éraflé, toute cette misère de maison de tolérance, étalée crûment à cette heure blafarde de l'après-midi, où les filles dorment. Pourtant, comme il arrivait au second, il dut enjamber un gros chat rouge, couché en rond sur une marche. Les yeux à demi clos, ce chat gardait seul la maison, pris de somnolence dans les odeurs enfermées et refroidies que les femmes laissaient là chaque soir.

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