Nana
Nana (paragraphe n°1570)
Chapitre VIII
Nana hochait la tête, satisfaite. C'était l'ancien dîner solide d'un hôtel de province : vol-au-vent à la financière, poule au riz, haricots au jus, crème à la vanille glacée de caramel. Ces dames tombaient particulièrement sur la poule au riz, éclatant dans leurs corsages, s'essuyant les lèvres d'une main lente. D'abord, Nana avait eu peur de rencontrer d'anciennes amies qui lui auraient fait des questions bêtes ; mais elle se tranquillisa, elle n'apercevait aucune figure de connaissance, parmi cette foule très mélangée, où des robes déteintes, des chapeaux lamentables s'étalaient à côté de toilettes riches, dans la fraternité des mêmes perversions. Un instant, elle fut intéressée par un jeune homme, aux cheveux courts et bouclés, le visage insolent, tenant sans haleine, pendue à ses moindres caprices, toute une table de filles, qui crevaient de graisse. Mais, comme le jeune homme riait, sa poitrine se gonfla.