Nana
Nana (paragraphe n°1248)
Chapitre VI
Mais il demeura absorbé, cherchant des mensonges pour le soir. Les cinq voitures roulaient en plaine, sur une interminable route droite, bordée de beaux arbres. L'air, d'un gris argenté, baignait la campagne. Ces dames continuaient à se crier des phrases, d'une voiture à l'autre, derrière le dos des cochers, qui riaient de ce drôle de monde ; par moments, une d'elles se mettait debout, pour voir, puis s'entêtait, appuyée aux épaules d'un voisin, tant qu'une secousse ne la rejetait pas sur la banquette. Caroline Héquet, cependant, était en grande conversation avec Labordette ; tous deux tombaient d'accord que Nana vendrait sa campagne avant trois mois, et Caroline chargeait Labordette de lui racheter ça en sous-main, pour quatre sous. Devant eux, la Faloise, très amoureux, ne pouvant atteindre la nuque apoplectique de Gaga, lui baisait un coin de l'échine, sur sa robe, dont l'étoffe tendue craquait ; tandis que, raide au bord du strapontin, Amélie leur disait de finir, agacée d'être là, les bras ballants, à regarder embrasser sa mère. Dans l'autre voiture, Mignon, pour étonner Lucy, exigeait de ses fils une fable de La Fontaine ; Henri surtout était prodigieux, il vous lâchait ça d'un trait, sans se reprendre. Mais Maria Blond, en tête, finissait par s'embêter, lasse de faire poser cette bûche de Tatan Néné, à qui elle racontait que les crémières de Paris fabriquaient des œufs avec de la colle et du safran. C'était trop loin, on n'arriverait donc pas ? Et la question, transmise de voiture en voiture, vint jusqu'àNana, qui, après avoir interrogé son cocher, se leva pour crier :