Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°946)

Chapitre IV

Elle lui avait pris le menton, comme elle faisait souvent, sans voir qu'il avait grandi. Elle était un peu émue, à la vérité ; émue par cette promenade sous terre, d'une émotion très douce, qu'elle aimait à goûter, en chose permise et ne tirant pas à conséquence. Elle oubliapeut-être sa main un peu plus longtemps que de coutume, sous ce menton d'adolescent, si délicat à toucher. Alors, à cette caresse, lui, cédant à une poussée de l'instinct, s'assurant d'un regard oblique que personne n'était là, se ramassa, se jeta sur la belle Lisa, avec une force de taureau. Il l'avait prise par les épaules. Il la culbuta dans un grand panier de plumes, où elle tomba comme une masse, les jupes aux genoux. Et il allait la prendre à la taille, ainsi qu'il prenait Cadine, d'une brutalité d'animal qui vole et qui s'emplit, lorsque, sans crier, toute pâle de cette attaque brusque, elle sortit du panier d'un bond. Elle leva le bras, comme elle avait vu faire aux abattoirs, serra son poing de belle femme, assomma Marjolin d'un seul coup, entre les deux yeux. Il s'affaissa, sa tête se fendit contre l'angle d'une pierre d'abattage. A ce moment, un chant de coq, rauque et prolongé, monta des ténèbres.

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