Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°132)

Chapitre I

Le long de la rue couverte, maintenant, des femmes vendaient du café, de la soupe. Au coin du trottoir, un large rond de consommateurs s'était formé autour d'une marchande de soupe aux choux. Le seau de fer-blanc étamé, plein de bouillon, fumait sur le petit réchaud bas, dont les trous jetaient une lueur pâle de braise. La femme, armée d'une cuiller à pot, prenant de minces tranches de pain au fond d'une corbeille garnie d'un linge, trempait la soupe dans des tasses jaunes. Il y avait là des marchandes très propres, des maraîchers en blouse, des porteurs sales, le paletot gras des charges de nourriture qui avaient traîné sur les épaules, de pauvres diables déguenillés, toutes les faims matinales des Halles, mangeant, se brûlant, écartant un peu le menton pour nepas se tacher de la bavure des cuillers. Et le peintre ravi clignait les yeux, cherchait le point de vue, afin de composer le tableau dans un bon ensemble. Mais cette diablesse de soupe aux choux avait une odeur terrible. Florent tournait la tête, gêné par ces tasses pleines, que les consommateurs vidaient sans mot dire, avec un regard de côté d'animaux méfiants. Alors, comme la femme servait un nouvel arrivé, Claude lui-même fut attendri par la vapeur forte d'une cuillerée qu'il reçut en plein visage.

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