Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°1031)

Chapitre V

C'était Muche, en effet. Pauline, qui étrennait justement ce jour-là une robe neuve, à raies bleues, avait voulu la montrer. Elle se tenait toute droite, devant la boutique, bien sage, les lèvres pincées par cette moue grave d'une petite femme de six ans qui craint de se salir. Ses jupes, très courtes, très empesées, bouffaient comme des jupes de danseuse, montrant ses bas blancs bien tirés, ses bottines vernies, d'un bleu d'azur ; tandis que son grand tablier, qui la décolletait, avait, aux épaules, un étroit volant brodé, d'où ses bras, adorables d'enfance, sortaient nus et roses. Elle portait des boutons de turquoise aux oreilles, une jeannette au cou, un ruban de velours bleu dans les cheveux, très bien peignée, avec l'air gras et tendre de sa mère, la grâce parisienne d'une poupée neuve. Muche, des Halles, l'avait aperçue. Il mettait dans le ruisseau des petits poissons morts que l'eau emportait, et qu'il suivait le long du trottoir, en disant qu'ils nageaient. Mais la vue de Pauline, si belle, si propre, lui fit traverser la chaussée, sans casquette, la blouse déchirée, le pantalon tombant et montrant la chemise, dans le débraillé d'un galopin de sept ans. Sa mère lui avait bien défendu de jouer jamais avec " cette grosse bête d'enfant que ses parents bourraient à la faire crever. " Il rôda un instant, s'approcha, voulut toucher la jolie robe à raies bleues. Pauline, d'abord flattée, eut une moue de prude, recula, en murmurant d'un ton fâché :

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