Le Ventre de Paris
Le Ventre de Paris (paragraphe n°1010)
Chapitre V
Il répondit que monsieur l'abbé n'avait plus que deux pénitentes, que ce ne serait pas long, et que, si elle voulait prendre une chaise, son tour arriverait tout de suite. Elle remercia, sans dire qu'elle ne venait pas pour se confesser. Elle résolut d'attendre, marchant à petits pas sur les dalles, allant jusqu'à la grande porte, d'où elle regarda la nef toute nue, haute et sévère, entre les bas-côtés peints de couleurs vives ; elle levait un peu le menton, trouvant le maître-autel trop simple, ne goûtant pas cette grandeur froide de la pierre, préférant les dorures et les bariolages des chapelles latérales. Du côté de la rue du Jour, ces chapelles restaient grises, éclairées par des fenêtres poussiéreuses ; tandis que, du côté des Halles, le coucher du soleil allumait les vitraux des verrières, égayées de teintes très tendres, des verts et des jaunes surtout, si limpides qu'ils lui rappelèrent les bouteilles de liqueur, devant la glace de monsieur Lebigre. Elle revint de ce côté, qui semblait comme attiédi par cette lumière de braise, s'intéressa un instant aux châsses, aux garnitures des autels, aux peintures vues dans des reflets de prisme. L'église était vide, toute frissonnante du silence de ses voûtes. Quelques jupes de femmes faisaient des tâches sombres dans l'effacement jaunâtre des chaises ; et, des confessionnaux fermés, un chuchotement sortait. En repassant devant la chapelle de sainte Agnès, elle vit que la robe bleue était toujours aux pieds de l'abbé Roustan.