Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°81)

Chapitre II

A quinze ans, Angélique fut ainsi une adorable fille. Certes, ni la vie cloîtrée et travailleuse, ni l'ombre douce de la cathédrale, ni la Légende aux belles saintes, n'avaient fait d'elle un ange, une créature d'absolue perfection. Toujours des fougues l'emportaient, des fautes se déclaraient, par des échappées imprévues, dans descoins d'âme qu'on avait négligé de murer. Mais elle se montrait si honteuse alors, elle aurait tant voulu être parfaite ! et elle était si humaine, si vivante, si ignorante et pure au fond ! En revenant d'une des grandes courses que les Hubert se permettaient deux fois l'an, le lundi de la Pentecôte et le jour de l'Assomption, elle avait arraché un églantier, puis s'était amusée à le replanter dans l'étroit jardin. Elle le taillait, l'arrosait ; il y repoussait plus droit, il y donnait des églantines plus larges, d'une odeur fine ; ce qu'elle guettait, avec sa passion habituelle, répugnant à le greffer pourtant, voulant voir si un miracle ne lui ferait pas porter des roses. Elle dansait à l'entour, elle répétait d'un air ravi : " C'est moi ! c'est moi ! " Et, si on la plaisantait sur son rosier de grand chemin, elle en riait elle-même, un peu pâle, des larmes au bord des paupières. Ses yeux couleur de violette s'étaient encore adoucis, sa bouche s'entrouvrait, découvrait les petites dents blanches, dans l'ovale allongé du visage, que les cheveux blonds, d'une légèreté de lumière, nimbaient d'or. Elle avait grandi, sans devenir fluette, le cou et les épaules toujours d'une grâce fière, la gorge ronde, la taille souple ; et gaie, et saine, une beauté rare, d'un charme infini, où fleurissaient la chair innocente et l'âme chaste.

?>