Le Rêve
Le Rêve (paragraphe n°61)
Chapitre I
Ce matin-là, en entrant à l'église, Angélique se trouva de nouveau sous la porte. Un faux dégel s'était produit dans la semaine, puis le froid avait recommencé, si rude, que la neige des sculptures, à demi fondue, venait de se figer en une floraison de grappes et d'aiguilles. C'était maintenant toute une glace, des robes transparentes, aux dentelles de verre, qui habillaient les vierges. Dorothée tenait un flambeau dont la coulure limpide lui tombait des mains ; Cécile portait une couronne d'argent d'où ruisselaient des perles vives ; Agathe, sur sa gorge mordue par les tenailles, était cuirassée d'une armure de cristal. Et les scènes du tympan, les petites vierges des voussures semblaient être ainsi, depuis des siècles, derrière les vitres et les gemmes d'une châsse géante. Agnès, elle, laissait traîner un manteau de cour, filé de lumière, brodé d'étoiles. Son agneau avait une toison de diamants, sa palme était devenue couleur de ciel. Toute la porte resplendissait, dans la pureté du grand froid.