Le Rêve
Le Rêve (paragraphe n°233)
Chapitre V
Alors, une heure charmante s'écoula. Elle se penchait, elle rinçait son linge, le visage touchant presque l'eau fraîche ; mais, à chaque nouvelle pièce, elle levait la tête, jetait un coup d'œil, où, dans l'émoi de son cœur, perçait une pointe de malice. Et, lui, sur l'échafaud, l'air très occupé à constater l'état du vitrail, la regardait de biais, gêné dès qu'elle le surprenait ainsi, tourné vers elle. C'était une chose étonnante comme il rougissait vite, le teint brusquement coloré, de très blanc qu'il était. A la moindre émotion, colère ou tendresse, tout le sang de ses veines lui montait à la face. Il avait des yeux de bataille, et il était si timide, quand il la sentait l'examiner, qu'il redevenait un petit enfant, embarrassé de ses mains, bégayant des ordres au vieil homme, son compagnon. Elle, ce qui l'égayait, dans cette eau dont la turbulence lui rafraîchissait les bras, était de le deviner innocent comme elle, ignorant de tout, avec la passion gourmande de mordre à la vie. On n'a pas besoin de dire à voix haute ce qui est, des messagers invisibles l'apportent, des bouches muettes le répètent. Elle levait la tête, le surprenait à détourner la sienne, et les minutes coulaient, et cela était délicieux.