Le Docteur Pascal
Le Docteur Pascal (paragraphe n°847)
Chapitre VII
Mais, la nuit, dans sa chambre, l'agonie recommença. A l'idée de la perdre, il avait dû enfoncer sa face au fond de l'oreiller, pour étouffer ses cris. Des images s'étaient précisées, il l'avait vue aux bras d'un autre, faisant à un autre le don de son corps vierge, et une jalousie atroce le torturait. Jamais il ne trouverait l'héroïsme de consentir à un pareil sacrifice. Toutes sortes de plans se heurtaient dans sa pauvre tête en feu : l'écarter du mariage, la garder près de lui, sans qu'elle soupçonnât jamais sa passion ; s'en aller avec elle, voyager de ville en ville, occuper leurs deux cerveaux d'études sans fin, pour conserver leur camaraderie de maître à élève ; ou même, s'il le fallait, l'envoyer à son frère dont elle serait la garde-malade, la perdre plutôt que de la livrer à un mari. Et, à chacune de ces solutions, il sentait son cœur se déchirer et crierd'angoisse, dans son impérieux besoin de la posséder tout entière. Il ne se contentait plus de sa présence, il la voulait à lui, pour lui, en lui, telle qu'elle se dressait rayonnante, sur l'obscurité de la chambre, avec sa nudité pure, vêtue du seul flot déroulé de ses cheveux. Ses bras étreignaient le vide, il sauta du lit, chancelant ainsi qu'un homme pris de boisson ; et ce fut seulement dans le grand calme noir de la salle, les pieds nus sur le parquet, qu'il se réveilla de cette folie brusque. Où allait-il donc, grand Dieu ? Frapper à la porte de cette enfant endormie ? l'enfoncer peut-être d'un coup d'épaule ? Le petit souffle pur qu'il crut entendre, au milieu du profond silence, le frappa au visage, le renversa, comme un vent sacré. Et il revint s'abattre sur son lit, dans une crise de honte et d'affreux désespoir.