Le Docteur Pascal
Le Docteur Pascal (paragraphe n°720)
Chapitre VI
Puis, lorsqu'il fut seul, il retomba assis devant sa table, il voulut reprendre la lecture de son livre. Mais, pas plus qu'auparavant, il n'arriva à fixer assez son attention, pour comprendre les mots dont les lettres se brouillaient devant ses yeux. Et les paroles prononcées par sa mère bourdonnaient à ses oreilles, une angoisse qui montait en lui depuis quelque temps, grandissait, se fixait, le hantait maintenant d'un danger immédiat, nettement défini. Luiqui, deux mois plus tôt, se vantait si triomphalement de n'en être pas, de la famille, allait-il donc recevoir le plus affreux des démentis ? Aurait-il la douleur de voir la tare renaître en ses moelles, roulerait-il à l'épouvante de se sentir aux griffes du monstre héréditaire ? Sa mère l'avait dit : il devenait fou d'orgueil et de peur. L'idée souveraine, la certitude exaltée qu'il avait d'abolir la souffrance, de donner de la volonté aux hommes, de refaire une humanité bien portante et plus haute, ce n'était sûrement là que le début de la folie des grandeurs. Et, dans sa crainte d'un guet-apens, dans son besoin de guetter les ennemis qu'il sentait acharnés à sa perte, il reconnaissait aisément les symptômes du délire de la persécution. Tous les accidents de la race aboutissaient à ce cas terrible : la folie à brève échéance, puis la paralysie générale, et la mort.