Le Docteur Pascal
Le Docteur Pascal (paragraphe n°588)
Chapitre IV
Il s'exaltait, il en eut conscience, fit un geste de colère, et ne parla plus. Sa mère avait pris le parti de pleurer, des petites larmes courtes, difficiles, qui séchaient tout de suite. Et elle revenait sur les craintes dont s'attristait sa vieillesse, elle le suppliait, elle aussi, de faire sa paix avec Dieu, au moins par égard pour la famille. Ne donnait-elle pas l'exemple du courage ? Plassans entier, le quartier Saint-Marc, le vieux quartier et la ville neuve ne rendaient-ils pas hommage à sa fière résignation ? Elle réclamait seulement d'être aidée, elle exigeait de tous ses enfants un effort pareil au sien. Ainsi, elle citait l'exemple d'Eugène, le grand homme, tombé de si haut, et qui voulait bien n'être plus qu'un simple député, défendant, jusqu'à son dernier souffle, le régime disparu, dont il avait tenu sa gloire. Elle était également pleine d'éloges pour Aristide, qui ne désespérait jamais, qui reconquérait, sous le régime nouveau, toute une belle position, malgré l'injuste catastrophe qui l'avait un moment enseveli, parmi les décombres de l'Union universelle. Et lui, Pascal, resterait seul à l'écart, ne ferait rien pour qu'elle mourût en paix, dans la joie du triomphe final des Rougon ? lui qui était si intelligent, si tendre, si bon ! Voyons, c'était impossible ! il irait à la messe le prochain dimanche et il brûlerait ces vilains papiers, dont la seule pensée la rendait malade. Elle suppliait, commandait, menaçait. Mais lui ne répondait plus, calmé, invincible dans son attitude de grande déférence. Il ne voulait pas de discussion, il la connaissait trop pourespérer la convaincre et pour oser discuter le passé avec elle.