Le Docteur Pascal
Le Docteur Pascal (paragraphe n°205)
Chapitre II
Problème ardu, et dont il remaniait la solution depuis des années. Il était parti du principe d'invention et du principe d'imitation, l'hérédité ou reproduction des êtres sous l'empire du semblable, l'innéité ou reproduction des êtres sous l'empire du divers. Pour l'hérédité, il n'avait admis que quatre cas : l'hérédité directe, représentation du père et de la mère dans la nature physique et morale de l'enfant ; l'hérédité indirecte, représentation des collatéraux, oncles et tantes, cousins et cousines ; l'hérédité en retour, représentation des ascendants, à une ou plusieurs générations de distance ; enfin, l'hérédité d'influence, représentation des conjoints antérieurs, par exemple du premier mâle qui a comme imprégné la femelle pour sa conception future, même lorsqu'il n'en est plus l'auteur. Quant à l'innéité, elle était l'être nouveau, ou qui paraît tel, et chez qui se confondent les caractèresphysiques et moraux des parents, sans que rien d'eux semble s'y retrouver. Et, dès lors, reprenant les deux termes, l'hérédité, l'innéité, il les avait subdivisés à leur tour, partageant l'hérédité en deux cas, l'élection du père ou de la mère chez l'enfant, le choix, la prédominance individuelle, ou bien le mélange de l'un et de l'autre, et un mélange qui pouvait affecter trois formes, soit par soudure, soit par dissémination, soit par fusion, en allant de l'état le moins bon au plus parfait ; tandis que, pour l'innéité, il n'y avait qu'un cas possible, la combinaison, cette combinaison chimique qui fait que deux corps mis en présence peuvent constituer un nouveau corps, totalement différent de ceux dont il est le produit. C'était là le résumé d'un amas considérable d'observations, non seulement en anthropologie, mais encore en zoologie, en pomologie et en horticulture. Puis, la difficulté commençait, lorsqu'il s'agissait, en présence de ces faits multiples, apportés par l'analyse, d'en faire la synthèse, de formuler la théorie qui les expliquât tous. Là, il se sentait sur ce terrain mouvant de l'hypothèse, que chaque nouvelle découverte transforme ; et, s'il ne pouvait s'empêcher de donner une solution, par le besoin que l'esprit humain a de conclure, il avait cependant l'esprit assez large pour laisser le problème ouvert. Il était donc allé des gemmules de Darwin, de sa pangenèse, à la périgenèse de Haeckel en passant par les stirpes de Galton. Puis, il avait eu l'intuition de la théorie que Weismann devait faire triompher plus tard, il s'était arrêté à l'idée d'une substance extrêmement fine et complexe, le plasma germinatif, dont une partie reste toujours en réserve dans chaque nouvel être, pour qu'elle soit ainsi transmise, invariable, immuable, de génération engénération. Cela paraissait tout expliquer ; mais quel infini de mystère encore, ce monde de ressemblances que transmettent le spermatozoïde et l'ovule, où l'œil humain ne distingue absolument rien, sous le grossissement le plus fort du microscope ! Et il s'attendait bien à ce que sa théorie fût caduque un jour, il ne s'en contentait que comme d'une explication transitoire, satisfaisante pour l'état actuel de la question, dans cette perpétuelle enquête sur la vie, dont la source même, le jaillissement semble devoir à jamais nous échapper.