Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°1898)

Chapitre XIV

Une bouffée de musique, au loin, étonna Clotilde. Elle tourna la tête, regarda vers la campagne, toute blonde et dorée par le soleil oblique. Ah ! oui, cette cérémonie, cette pierre que l'on posait, là-bas ! Et elle ramena les yeux sur l'enfant, elle s'absorba de nouveau dans le plaisir de lui voir un si bel appétit. Elle avait attiré un petit banc pour relever l'un de ses genoux, elle s'était appuyée d'une épaule contre la table, à côté de l'Arbre et des fragments noircis des dossiers. Sa pensée flottait, allait à une douceur divine, tandis qu'elle sentait le meilleur d'elle-même, ce lait pur, couler à petit bruit, faire de plus en plus sien le cher être sorti de son flanc. L'enfant était venu, le rédempteur peut-être. Les cloches avaient sonné, les Rois mages s'étaient mis en route, suivis des populations, de toute la nature en fête, souriant au petit dans ses langes. Elle, la mère, pendant qu'il buvait sa vie, rêvait déjà d'avenir. Que serait-il, quand elle l'aurait fait grand et fort, en se donnant toute ? Un savant qui enseignerait au monde un peu de la vérité éternelle, un capitaine qui apporterait de la gloire à son pays, ou mieux encore un de ces pasteurs de peuple qui apaisent les passions et font régner la justice ? Elle le voyait très beau, très bon, très puissant. Et c'était le rêve de toutes les mères, la certitude d'être accouchée du messie attendu ; et il y avait là, dans cet espoir, dans cette croyance obstinée de chaque mère au triomphe certain de son enfant, l'espoir même qui fait la vie, la croyance qui donne à l'humanité la force sans cesse renaissante de vivre encore.

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