Le Docteur Pascal
Le Docteur Pascal (paragraphe n°1885)
Chapitre XIV
Dans ce retour en arrière, elle eut la sensation nette du long travail qui s'était opéré en elle. Pascal corrigeait son hérédité, et elle revivait la lente évolution, la lutte entre la réelle et la chimérique. Cela partait de ses colères d'enfant, d'un ferment de révolte, d'un déséquilibre qui la jetait aux pires rêveries. Puis venaient ses grands accès de dévotion, son besoin d'illusion et de mensonge, de bonheur immédiat, à la pensée que les inégalités et les injustices de cette terre mauvaise devaient être compensées par les éternelles joies d'un paradis futur. C'était l'époque de ses combats avec Pascal, des tourments dont elle l'avait torturé, en rêvant d'assassiner son génie. Et elle tournait, à ce coude de la route, elle le retrouvait son maître, la conquérant par la terrible leçon de vie qu'il lui avait donnée, pendant la nuit d'orage. Depuis, le milieu avait agi, l'évolution s'était précipitée : elle finissait par être la pondérée, la raisonnable, acceptant de vivre l'existence comme il fallait la vivre, avec l'espoir que la somme du travail humain libérerait un jour le monde du mal et de la douleur. Elle avait aimé, elle était mère, et elle comprenait.
Brusquement, elle se rappela l'autre nuit, celle qu'ils avaient passée sur l'aire. Elle entendait encore sa lamentation sous les étoiles : la nature atroce, l'humanité abominable, et la faillite de la science, et la nécessité de se perdre en Dieu, dans le mystère. En dehors de l'anéantissement, il n'y avait pas de bonheur durable. Puis, elle l'entendait, lui, reprendre son