Le Docteur Pascal
Le Docteur Pascal (paragraphe n°1374)
Chapitre XI
Alors, hanté par les mots, par les phrases de la lettre, il se tortura d'abord à vouloir se persuader qu'elle ne l'aimait pas, qu'elle avait seulement pour lui de la pitié et de la gratitude. Cela, croyait-il, lui aurait facilité la rupture, s'il était convaincu qu'elle se sacrifiait, et qu'en la gardant davantage, il satisfaisait simplement son monstrueux égoïsme. Mais il eut beau l'étudier, la soumettre à des épreuves, il la trouva toujours aussi tendre, aussi passionnée entre ses bras. Il restait éperdu de ce résultat qui tournait contre le dénouement redouté, en la lui rendant plus chère. Et il s'efforça de se prouver la nécessité de leur séparation, il en examina les motifs. La vie qu'ils menaient depuis des mois, cette vie sans liens ni devoirs, sans travail d'aucune sorte, était mauvaise. Lui, ne se croyait bon qu'à aller dormir sous la terre, dans un coin ; seulement, pour elle, n'était-ce pas une existence fâcheuse, d'où elle sortirait indolente et gâtée, incapable de vouloir ? Il la pervertissait, en faisait une idole, au milieu des huées du scandale. Ensuite, tout d'un coup, il se voyait mort, il la laissait seule, à la rue,sans rien, méprisée. Personne ne la recueillait, elle battait les routes, n'avait plus jamais ni mari ni enfants. Non ! non ! ce serait un crime, il ne pouvait, pour ses quelques jours encore de bonheur à lui, ne léguer, à elle, que cet héritage de honte et de misère.