Le Docteur Pascal
Le Docteur Pascal (paragraphe n°1233)
Chapitre X
Elle pourtant, très grasse et affable, souriait, certaine de la victoire. D'une voix continue, enveloppante, elle se mit à parler, à lui conter une histoire : oui ! une dame qu'elle ne pouvait pas nommer, une des dames les plus distinguées de Plassans, frappée d'un malheur, réduite à se défaire d'un bijou ; puis, elle s'étendit sur la superbe occasion, un bijou qui avait coûté plus de douze cents francs, qu'on se résignait à laisser pour cinq cents. Sans hâte, elle avait ouvert son sac, malgré l'effarement, l'anxiété croissante du docteur ; elle en tira une mince chaîne de cou, garnie par-devant de sept perles,simplement ; mais les perles avaient une rondeur, un éclat, une limpidité admirables. Cela était très fin, très pur, d'une fraîcheur exquise. Tout de suite, il l'avait vu, ce collier, au cou délicat de Clotilde, comme la parure naturelle de cette chair de soie, dont il gardait, à ses lèvres, le goût de fleur. Un autre bijou l'aurait inutilement chargé, ces perles ne diraient que sa jeunesse. Et, déjà, il l'avait pris entre ses doigts frémissants, il éprouvait une mortelle peine à l'idée de le rendre. Pourtant, il se défendait toujours, jurait qu'il n'avait pas cinq cents francs, tandis que la marchande continuait, de sa voix égale, à faire valoir le bon marché, qui était réel. Après un quart d'heure encore, quand elle crut le tenir, elle voulut bien, tout d'un coup, laisser le collier à trois cents francs ; et il céda, sa folie du don fut la plus forte, son besoin de faire plaisir, de parer son idole. Lorsqu'il alla prendre les quinze pièces d'or, dans le tiroir, pour les compter à la marchande, il était convaincu que les affaires s'arrangeraient, chez le notaire, et qu'on aurait bientôt beaucoup d'argent.