La Terre

La Terre (paragraphe n°953)

Chapitre IV

Dans les prés, au bord de l'Aigre, Jean et ses deux faneuses avaient commencé la première meule. C'était Françoise qui la montait. Au centre, posée sur un mulon, elle disposait et rangeait en cercle les fourchées de foin que lui apportaient le jeune homme et Palmyre. Et, peu à peu, cela grandissait, se haussait, elle toujours au milieu, se remettant des bottes sous les pieds, dans le creux où elle se trouvait, à mesure que le mur, autour d'elle, lui gagnait les genoux. La meule prenait tournure. Déjà, elle était à deux mètres ; Palmyre et Jean devaient tendre leurs fourches ; et la besogne n'allait pas sans de grands rires, à cause de la joie du plein air et des bêtises qu'on se criait, dans la bonne odeur du foin. Françoise surtout, son mouchoir glissé du chignon, sa tête nue au soleil, les cheveux envolés, embroussaillés d'herbe, s'égayait comme une bienheureuse, sur ce tas mouvant, où ellebaignait jusqu'aux cuisses. Ses bras nus enfonçaient, chaque paquet jeté d'en bas la couvrait d'une pluie de brindilles, elle disparaissait, feignait de naufragé dans les remous.

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