La Terre
La Terre (paragraphe n°779)
Chapitre III
Pauvre maison en loques, tassée, lézardée et branlante, raccommodée partout de bouts de planches et de plâtras ! Elle avait dû être construite en moellons et en terre ; plus tard, on en refit deux murs au mortier ; enfin, vers le commencement du siècle, on se résigna à en remplacer le chaume par une toiture de petites ardoises, aujourd'hui pourries. C'était ainsi qu'elle avait duré et qu'elle tenait encore, enfoncée d'un mètre, comme on les creusait toutes au temps jadis, sans doute pour avoir plus chaud. Cela offrait l'inconvénient que, par les gros orages, l'eau l'envahissait ; et l'on avait beau balayer le sol battu de cette cave, il restait toujours de la boue dans les coins. Mais elle était surtout malicieusement plantée, tournant le dos au nord, à la Beauce immense, d'où soufflaient les terribles vents de l'hiver ; de ce côté, dans la cuisine, ne s'ouvrait qu'une lucarne étroite, barricadée d'un volet, au ras du chemin ; tandis que, sur l'autre face, celle du midi, se trouvaient la porte et les fenêtres. Onaurait dit une de ces masures de pêcheur, au bord de l'océan, dont pas une fente ne regarde le flot. A force de la pousser, les vents de la Beauce l'avaient fait pencher en avant : elle pliait, elle était comme ces très vieilles femmes dont les reins se cassent.