La Terre

La Terre (paragraphe n°3220)

Chapitre IV

Chez Lengaigne, dans la salle du cabaret, on ne se voyait plus, on ne s'entendait plus, au milieu de la fumée et des gueulements. Outre les garçons qui venaient de tirer, il y avait foule : Jésus-Christ et son ami Canon, occupés à débaucher le père Fouan, tous les trois autour d'un litre d'eau-de-vie ; Bécu, trop soûl, achevé par la mauvaise chance de son fils, foudroyé de sommeil sur une table ; Delhomme et Clou qui faisaient un piquet ; sans compter Lequeu, le nez dans un livre, qu'il affectait de lire, malgré le vacarme. Une batterie de femmes avait encore échauffé les têtes, Flore étant allée à la fontaine chercher une cruche d'eau fraîche, et y ayant rencontré Cœlina, qui s'était ruée sur elle, à coups d'ongle, en l'accusant d'être payée par les gabelous pour vendre les voisins. Macqueron et Lengaigne, accourus, avaient failli se cogner aussi ; le premier jurait à l'autre de le faire pincer en train de mouiller son tabac, le second ricanait, lui jetait sa démission à la tête ; et tout le monde s'en était mêlé, par plaisir de serrer les poings et de crier fort, sibien qu'un instant on avait pu craindre un massacre général. C'était fini, mais il en restait une colère mal contentée, un besoin de bataille.

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