La Terre
La Terre (paragraphe n°1455)
Partie : TROISIEME PARTIE, chapitre II
Dès ce moment, Fouan et Rose s'abandonnèrent à leur rancune, sans plus rien ménager. Leurs cœurs ulcérés se soulageaient, ils alternaient les litanies de leurs récriminations, chacun à son tour disait son grief. Ainsi, les dix litres de lait par semaine : d'abord, ils n'en recevaient pas six ; et puis, s'il ne passait point entre les mains de monsieur le curé, ce lait-là, n'empêche qu'il devait être bon chrétien. C'était comme pour les œufs, certainement qu'on les commandait exprès aux poules, car on n'en aurait pas trouvé d'aussi petits sur tout le marché de Cloyes : oui, une vraie curiosité, et donnés de si mauvais cœur, qu'ils avaient le temps de se gâter en route. Quant aux fromages, ah ! les fromages ! Rose se tordait de coliques, chaque fois qu'elle en mangeait. Elle courut en chercher un, elle voulut absolument que Palmyre y goûtât. Hein ? était-ce une horreur ? ça ne criait-il pas vengeance ? Ils devaient y ajouter de lafarine, peut-être bien du plâtre. Mais déjà Fouan se lamentait d'en être réduit à ne plus pouvoir fumer qu'un sou de tabac par jour ; et, aussitôt, elle regretta son café noir qu'il lui avait fallu supprimer ; et tous les deux à la fois, ensuite, les accusèrent de la mort de leur vieux chien infirme, qu'ils s'étaient décidés à noyer la veille, parce qu'il coûtait trop pour eux, maintenant.