La Terre

La Terre (paragraphe n°1040)

Chapitre V

De nouveau, les coudes sur la table, mangeant des cerises dont il crachait les noyaux ; il entra dans les détails. En Beauce, la petite propriété, l'héritage en dessous de vingt hectares, était de quatre-vingts pour cent. Depuis quelque temps, presque tous les journaliers, ceux qui se louaient dans les fermes, achetaient desparcelles, des lots de grands domaines démembrés, qu'ils cultivaient à leur temps perdu. Cela, certes, était excellent, car l'ouvrier se trouvait dès lors attaché à la terre. Et l'on pouvait ajouter, en faveur de la petite propriété, qu'elle faisait des hommes plus dignes, plus fiers, plus instruits. Enfin, elle produisait proportionnellement davantage, et de qualité meilleure, le propriétaire donnant tout son effort. Mais que d'inconvénients d'autre part ! D'abord, cette supériorité était due à un travail excessif, le père, la mère, les enfants se tuant à la tâche. Ensuite, le morcellement, en multipliant les transports, détériorait les chemins, augmentait les frais de production, sans parler du temps perdu. Quant à l'emploi des machines, il paraissait impossible, pour les trop petites parcelles, qui avaient encore le défaut de nécessiter l'assolement triennal, dont la science proscrirait certainement l'usage, car il était illogique de demander deux céréales de suite, l'avoine et le blé. Bref, le morcellement à outrance semblait si bien devenir un danger, qu'après l'avoir favorisé légalement, au lendemain de la Révolution, dans la crainte de la reconstitution des grands domaines, on en était à faciliter les échanges, en les dégrevant.

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