- Première partie
- Deuxième partie
- Troisième partie
- Quatrième partie
- Cinquième partie
Des mois s'écoulèrent, l'hiver passa, puis le printemps ; et le train accoutumé de Rognes continuait, il fallait des années, pour que les choses eussent l'air de s'être faites, dans cette morne vie de travail, sans cesse recommençante. En juillet, sous l'accablement des grands soleils, les élections prochaines remuèrent pourtant le village. Cette fois, il y avait, cachée au fond, toute une grosse affaire. On en causait, on attendait la tournée des candidats.
Et, justement, le dimanche où la venue de monsieur Rochefontaine, l'usinier de Châteaudun, était annoncée, une scène terrible éclata le matin, chez les Buteau, entre Lise et Françoise. L'exemple prouva bien que, lorsque les choses n'ont pas l'air de se faire, elles marchent cependant ; car le dernier lien qui unissait les deux sœurs, toujours près de se rompre, renoué toujours, s'était tellement aminci à l'usure des querelles quotidiennes, qu'il cassa net, pour ne plus jamais se rattacher, et à l'occasion d'une bêtise où il n'y avait vraiment pas de quoi fouetter un chat.
Ce matin, Françoise, en ramenant les vaches, s'était arrêtée un instant à causer avec Jean, qu'elle venait de rencontrer devant l'église. Il faut dire qu'elle y mettait de la provocation, en face de la maison même, dans l'uniquebut d'exaspérer les Buteau. Aussi, lorsqu'elle rentra, Lise lui cria-t-elle :
Tu sais, quand tu voudras voir tes hommes, tâche que ce ne soit pas sous la fenêtre !
Buteau était là, qui écoutait, en train de repasser une serpe.
Mes hommes, répéta Françoise, je les vois de trop ici, mes hommes ! et il y en a un, si j'avais voulu, ce n'est pas sous la fenêtre, c'est dans ton lit que le cochon m'aurait prise !
Cette allusion à Buteau jeta Lise hors d'elle. Depuis longtemps, elle n'avait qu'un désir, flanquer sa sœur dehors, pour être tranquille dans son ménage, quitte à rendre la moitié du bien. C'était même la raison qui la faisait battre par son homme, d'avis contraire, décidé à ruser jusqu'au bout, ne désespérant pas d'ailleurs de coucher avec la petite, tant qu'elle et lui auraient ce qu'il fallait pour ça. Et Lise s'irritait de n'être point la maîtresse, tourmentée maintenant d'une jalousie particulière, prête encore à le laisser culbuter sa cadette, histoire d'en finir, tout en enrageant de le voir s'échauffer après cette garce, dont elle avait pris en exécration la jeunesse, la petite gorge dure, la peau blanche des bras, sous les manches retroussées. Si elle avait tenu la chandelle, elle aurait voulu qu'il abîmât tout ça, elle aurait tapé elle-même dessus, ne souffrant pas du partage, souffrant, dans leur rivalité grandie, empoisonnée, de ce que sa sœur était mieux qu'elle et devait donner plus de plaisir.
Salope ! hurla-t-elle, c'est toi qui l'agaces !... Si tu n'étais pas toujours pendue à lui, il ne courrait pas après ton derrière mal torché de gamine. Quelque chose de propre !
Françoise devint toute pâle, tant ce mensonge la révoltait. Elle répondit posément, dans une colère froide :
C'est bon, en v'là assez... Attends quinze jours, et je ne te gênerai plus, si c'est ça que tu demandes. Oui, dans quinze jours, j'aurai vingt et un ans, je filerai.
Ah ! tu veux être majeure, ah ! c'est donc ça que tu as calculé, pour nous faire des misères !... Eh bien ! bougresse, ce n'est pas dans quinze jours, c'est à l'instant que tu vas filer... Allons, fous le camp !
Tout de même... On a besoin de quelqu'un chez Macqueron. Il me prendra bien... Bonsoir !
Et Françoise partit, ce ne fut pas plus compliqué, il n'y eut rien autre chose entre elles. Buteau, lâchant la serpe qu'il aiguisait, s'était précipité pour mettre la paix d'une paire de gifles et les raccommoder une fois encore. Mais il arriva trop tard, il ne put, dans son exaspération, qu'allonger un coup de poing à sa femme, dont le nez ruissela. Nom de Dieu de femelles ! ce qu'il redoutait, ce qu'il empêchait depuis si longtemps ! la petite envolée, le commencement d'un tas de sales histoires ! Et il voyait tout fuir, tout galoper devant lui, la fille, la terre.
J'irai tantôt chez Macqueron, gueula-t-il. Faudra bien qu'elle rentre, quand je devrais la ramener à coups de pied au cul !
Chez Macqueron, ce dimanche-là, on était en l'air, car on y attendait un des candidats, monsieur Rochefontaine, le maître des Ateliers de construction de Châteaudun. Pendant la dernière législature, monsieur de Chédeville avait déplu, les uns disaient en affichant des amitiés orléanistes, les autres, en scandalisant les Tuileries par une histoire gaillarde, la jeune femme d'un huissier de la Chambre, folle de lui, malgré son âge. Quoi qu'il en fût, la protection du préfet s'était retirée du député sortant, pour se porter sur monsieur Rochefontaine, l'ancien candidat de l'opposition, dont un ministre venait de visiter les Ateliers, et qui avait écrit une brochure sur le libre-échange, très remarquée de l'empereur. Irrité de cet abandon, monsieur de Chédeville maintenait sa candidature, ayant besoin de son mandat de député pour brasser des affaires, ne se suffisant plus avec les fermages de la Chamade, hypothéquée, à moitié détruite. De sorte que, par une aventure singulière, la situation s'était retournée, le grand propriétaire devenait le candidat indépendant, tandis que le grand usinier se trouvait être le candidat officiel.
Hourdequin, bien que maire de Rognes, demeurait fidèle à monsieur de Chédeville ; et il avait résolu de ne tenir aucun compte des ordres de l'administration, prêt à batailler même ouvertement, si on le poussait à bout. D'abord, il jugeait honnête de ne pas tourner comme une girouette, au moindre souffle du préfet ; ensuite, entre le protectionniste et le libre-échangiste, il finissait par croire ses intérêts avec le premier, dans la débâcle de la crise agricole. Depuis quelque temps, les chagrins que Jacqueline lui causait, joints aux soucis de la ferme,l'ayant empêché de s'occuper de la mairie, il laissait l'adjoint Macqueron expédier les affaires courantes. Aussi, lorsque l'intérêt qu'il prenait aux élections le ramena présider le conseil, fut-il étonné de le sentir rebelle, d'une raideur hostile.
C'était un sourd travail de Macqueron, mené avec une prudence de sauvage, qui aboutissait enfin. Chez ce paysan devenu riche, tombé à l'oisiveté, se traînant, sale et mal tenu dans des loisirs de monsieur dont il crevait d'ennui, peu à peu était poussée l'ambition d'être maire, l'unique amusement de son existence, désormais. Et il avait miné Hourdequin, exploitant la haine vivace, innée au cœur de tous les habitants de Rognes, contre les seigneurs autrefois, contre le fils de bourgeois qui possédait la terre aujourd'hui. Bien sûr qu'il l'avait eue pour rien, la terre ! un vrai vol, du temps de la Révolution ! pas de danger qu'un pauvre bougre profitât des bonnes chances, ça retournait toujours aux canailles, las de s'emplir les poches ! Sans compter qu'il s'y passait de propres choses, à la Borderie. Une honte, cette Cognette, que le maître allait reprendre sur les paillasses des valets, par goût ! Tout cela s'éveillait, circulait en mots crus dans le pays, soulevait des indignations même chez ceux qui auraient culbuté ou vendu leur fille, si le dérangement en avait valu la peine. De sorte que les conseillers municipaux finissaient par dire qu'un bourgeois, ça devait rester à voler et à paillarder avec les bourgeois ; tandis que, pour bien mener une commune de paysans, il fallait un maire paysan.
Justement, ce fut au sujet des élections qu'une première résistance étonna Hourdequin. Comme il parlaitde monsieur de Chédeville, toutes les figures devinrent de bois. Macqueron, quand il l'avait vu rester fidèle au candidat en disgrâce, s'était dit qu'il tenait le vrai terrain de bataille, une occasion excellente pour le faire sauter. Aussi appuyait-il le candidat du préfet, monsieur Rochefontaine, en criant que tous les hommes d'ordre devaient soutenir le gouvernement. Cette profession de foi suffisait, sans qu'il eût besoin d'endoctriner les membres du conseil ; car, dans la crainte des coups de balai, ils étaient toujours du côté du manche, résolus à se donner au plus fort, au maître, pour que rien ne changeât et que le blé se vendît cher. Delhomme, l'honnête, le juste, dont c'était l'opinion, entraînait Clou et les autres. Et, ce qui achevait de compromettre Hourdequin, Lengaigne seul était avec lui, exaspéré de l'importance prise par Macqueron. La calomnie s'en mêla, on accusa le fermier d'être " un rouge ", un de ces gueux qui voulaient la république, pour exterminer le paysan ; si bien que l'abbé Madeline, effaré, croyant devoir sa cure à l'adjoint, recommandait lui-même monsieur Rochefontaine, malgré la sourde protection de monseigneur acquise à monsieur de Chédeville. Mais un dernier coup ébranla le maire, le bruit courut que, lors de l'ouverture du fameux chemin direct de Rognes à Châteaudun, il avait mis dans sa poche la moitié de la subvention votée. Comment ? on ne l'expliquait pas, l'histoire en demeurait mystérieuse et abominable. Quand on l'interrogeait là-dessus, Macqueron prenait l'air effrayé, douloureux et discret d'un homme dont certaines convenances fermaient la bouche ; c'était lui, simplement, qui avait inventé la chose. Enfin, la commune était bouleversée, le conseil municipal se trouvait coupé en deux, d'un côté l'adjoint ettous les conseillers, sauf Lengaigne, de l'autre le maire, qui comprit seulement alors la gravité de la situation.
Depuis quinze jours déjà, dans un voyage à Châteaudun, fait exprès, Macqueron était allé s'aplatir devant monsieur Rochefontaine. Il l'avait supplié de ne pas descendre ailleurs que chez lui, s'il daignait venir à Rognes. Et c'était pourquoi le cabaretier, ce dimanche-là, après le déjeuner, ne cessait de sortir sur la route, aux aguets de son candidat. Il avait prévenu Delhomme, Clou, d'autres conseillers municipaux, qui vidaient un litre, pour patienter. Le père Fouan et Bécu se trouvaient également là, à faire une partie, ainsi que Lequeu, le maître d'école, s'acharnant à la lecture d'un journal qu'il apportait, affectant de ne jamais rien boire. Mais deux consommateurs inquiétaient l'adjoint, Jésus-Christ et son ami Canon, l'ouvrier rouleur de routes, installés nez à nez, goguenards, devant une bouteille d'eau-de-vie. Il leur jetait des coups d'œil obliques, il cherchait vainement à les flanquer dehors, car les bandits ne criaient pas, contre leur habitude : ils n'avaient que l'air de se foutre du monde. Trois heures sonnèrent, monsieur Rochefontaine, qui avait promis d'être à Rognes vers deux heures, n'était pas arrivé encore.
Cœlina ! demanda anxieusement Macqueron à sa femme, as-tu monté le bordeaux pour offrir un verre, tout à l'heure ?
Cœlina, qui servait, eut un geste désolé d'oubli ; et il se précipita lui-même vers la cave. Dans la pièce voisine, où était la mercerie, et dont la porte restait toujours ouverte, Berthe montrait des rubans roses à troispaysannes, d'un air élégant de demoiselle de magasin ; tandis que Françoise, déjà en fonction, époussetait des casiers, malgré le dimanche. L'adjoint, que gonflait un besoin d'autorité, avait accueilli tout de suite cette dernière, flatté qu'elle se mît sous sa protection. Sa femme, justement, cherchait une aide. Il nourrirait, il logerait la petite, tant qu'il ne l'aurait pas réconciliée avec les Buteau, chez qui elle jurait de se tuer, si on l'y ramenait de force.
Brusquement, un landau, attelé de deux percherons superbes, s'arrêta devant la porte. Et monsieur Rochefontaine, qui s'y trouvait seul, en descendit, étonné et blessé que personne ne fût là. Il hésitait à entrer dans le cabaret, lorsque Macqueron remonta de la cave, avec une bouteille dans chaque main. Ce fut pour lui une confusion, un vrai désespoir, à ne savoir comment se débarrasser de ses bouteilles, à bégayer :
Oh ! monsieur, quelle malchance !... Depuis deux heures, j'ai attendu, sans bouger ; et pour une minute que je descends... Oui, à votre intention... Voulez-vous boire un verre, monsieur le député ?
Monsieur Rochefontaine, qui n'était encore que candidat et que le trouble du pauvre homme aurait dû toucher, parut s'en fâcher davantage. C'était un grand garçon de trente-huit ans à peine, les cheveux ras, la barbe taillée carrément, avec une mise correcte, sans recherche. Il avait une froideur brusque, une voix brève, autoritaire, et tout en lui disait l'habitude du commandement, l'obéissance dans laquelle il tenait lesdouze cents ouvriers de son usine. Aussi paraissait-il résolu à mener ces paysans à coups de fouet.
Cœlina et Berthe s'étaient précipitées, cette dernière avec son clair regard de hardiesse, sous ses paupières meurtries.
Veuillez entrer, monsieur, faites-nous cet honneur.
Mais le monsieur, d'un coup d'œil, l'avait retournée, pesée, jugée à fond. Il entra pourtant, il se tint debout, refusant de s'asseoir.
Voici nos amis du conseil, reprit Macqueron, qui se remettait. Ils sont bien contents de faire votre connaissance, n'est-ce pas ? messieurs, bien contents !
Delhomme, Clou, les autres, s'étaient levés, saisis de la raide attitude de monsieur Rochefontaine. Et ce fut dans un silence profond qu'ils écoutèrent les choses qu'il avait arrêté de leur dire, ses théories communes avec l'empereur, ses idées de progrès surtout, auxquelles il devait de remplacer, dans la faveur de l'administration, l'ancien candidat, d'opinions condamnées ; puis, il se mit à promettre des routes, des chemins de fer, des canaux, oui ! un canal au travers de la Beauce, pour étancher enfin la soif qui la brillait depuis des siècles. Les paysans ouvraient la bouche, stupéfiés. Qu'est-ce qu'il disait donc ? de l'eau dans les champs, à cette heure ! Il continuait, il finit en menaçant des rigueurs de l'autorité et de la rancune des saisons ceux qui voteraient mal. Tous se regardèrent. En voilà un qui les secouait et dont il était bon d'être l'ami !
Sans doute, sans doute, répétait Macqueron, à chaque phrase du candidat, un peu inquiet cependant de sa rudesse.
Mais Bécu approuvait, à grands coups de menton, cette parole militaire ; et le vieux Fouan, les yeux écarquillés, avait l'air de dire que c'était là un homme ; et Lequeu lui-même, si impassible d'ordinaire, était devenu très rouge, sans qu'on sût, à la vérité, s'il prenait du plaisir ou s'il enrageait. Il n'y avait que les deux canailles, Jésus-Christ et son ami Canon, pleins d'un évident mépris, si supérieurs, du reste, qu'ils se contentaient de ricaner et de hausser les épaules.
Dès qu'il eut parlé, monsieur Rochefontaine se dirigea vers la porte. L'adjoint eut un cri de désolation.
Comment ! monsieur, vous ne nous ferez pas l'honneur de boire un verre ?
Non, merci, je suis en retard déjà... On m'attend à Magnolles, à Bazoches, à vingt endroits. Bonsoir !
Du coup, Berthe ne l'accompagna même pas ; et, de retour dans la mercerie, elle dit à Françoise :
En voilà un mal poli ! C'est moi qui renommerais l'autre, le vieux !
Monsieur Rochefontaine venait de remonter dans son landau, lorsque les claquements de fouet lui firent tourner la tête. C'était Hourdequin, qui arrivait dans son cabriolet modeste, que conduisait Jean. Le fermier n'avait appris la visite de l'usinier à Rognes que par hasard, un de ses charretiers ayant rencontré le landau sur la route ; et il accourait pour voir le péril en face, d'autant plus inquietque, depuis huit jours, il pressait monsieur de Chédeville de faire acte de présence, sans pouvoir l'arracher à quelque jupon sans doute, peut-être la jolie huissière.
Tiens ! c'est vous ! cria-t-il gaillardement à monsieur Rochefontaine. Je ne vous savais pas déjà en campagne.
Les deux voitures s'étaient rangées roue à roue. Ni l'un ni l'autre ne descendirent, et ils causèrent quelques minutes, après s'être penchés pour se donner une poignée de main. Ils se connaissaient, ayant parfois déjeuné ensemble chez le maire de Châteaudun.
Vous êtes donc contre moi ? demanda brusquement monsieur Rochefontaine, avec sa rudesse.
Hourdequin, qui, à cause de sa situation de maire, comptait ne pas agir trop ouvertement, resta un instant décontenancé, de voir que ce diable d'homme avait une police si bien faite. Mais il ne manquait pas de carrure, lui non plus, et il répondit d'un ton gai, afin de laisser à l'explication un tour amical :
Je ne suis contre personne, je suis pour moi... Mon homme, c'est celui qui me protégera. Quand on pense que le blé est tombé à seize francs, juste ce qu'il me coûte à produire ! Autant ne plus toucher un outil et crever !
Tout de suite, l'autre se passionna.
Ah ! oui, la protection, n'est-ce pas ? la surtaxe, un droit de prohibition sur les blés étrangers, pour que les blés français doublent de prix ! Enfin, la France affamée, le pain de quatre livres à vingt sous, la mort despauvres !... Comment, vous, un homme de progrès, osez-vous en revenir à ces monstruosités ?
Un homme de progrès, un homme de progrès, répéta Hourdequin de son air gaillard, sans doute j'en suis un ; mais ça me coûte si cher, que je vais bientôt ne plus pouvoir me payer ce luxe... Les machines, les engrais chimiques, toutes les méthodes nouvelles, voyez-vous, c'est très beau, c'est très bien raisonné, et ça n'a qu'un inconvénient, celui de vous ruiner d'après la saine logique.
Parce que vous êtes un impatient, parce que vous exigez de la science des résultats immédiats, complets, parce que vous vous découragez des tâtonnements nécessaires, jusqu'à douter des vérités acquises et à tomber dans la négation de tout !
Peut-être bien. Je n'aurais donc fait que des expériences. Hein ? dites qu'on me décore pour ça, et que d'autres bons bougres continuent !
Hourdequin éclata d'un gros rire à sa plaisanterie, qu'il jugeait concluante. Vivement monsieur Rochefontaine avait repris :
Alors, vous voulez que l'ouvrier meure de faim ?
Pardon ! je veux que le paysan vive.
Mais moi qui occupe douze cents ouvriers, je ne puis pourtant élever les salaires, sans faire faillite... Si le blé était à trente francs, je les verrais tomber comme des mouches.
Eh bien ! et moi, est-ce que je n'ai point de serviteurs ? Quand le blé est à seize francs, nous nous serrons le ventre, il y a de pauvres diables qui claquent au fond de tous les fossés, dans nos campagnes.
Puis, il ajouta, en continuant à rire :
Dame ! chacun prêche pour son saint... Si je ne vous vends pas le pain cher, c'est la terre en France qui fait faillite, et si je vous le vends cher, c'est l'industrie qui met la clef sous la porte. Votre main-d'œuvre augmente, les produits manufacturés renchérissent, mes outils, mes vêtements, les cent choses dont j'ai besoin.... Ah ! un beau gâchis, où nous finirons par culbuter !
Tous deux, le cultivateur et l'usinier, le protectionniste et le libre-échangiste, se dévisagèrent, l'un avec le ricanement de sa bonhomie sournoise, l'autre avec la hardiesse franche de son hostilité. C'était l'état de guerre moderne, la bataille économique actuelle, sur le terrain de la lutte pour la vie.
On forcera bien le paysan à nourrir l'ouvrier, dit monsieur Rochefontaine.
Tâchez donc, répéta Hourdequin, que le paysan mange d'abord.
Et il sauta enfin de son cabriolet, et l'autre jetait un nom de village à son cocher, lorsque Macqueron, ennuyé de voir que ses amis du conseil, venus sur le seuil, avaient entendu, cria qu'on allait boire un verre tous ensemble ; mais, de nouveau, le candidat refusa, ne serra pas une seule main, se renversa au fond de son landau, qui partit, au trot sonore des deux grands percherons.
A l'autre angle de la route, Lengaigne, debout sur sa porte, en train de repasser un rasoir, avait vu toute la scène. Il eut un rire insultant, il lâcha très haut, à l'adresse du voisin :
Baise mon cul et dis merci !
Hourdequin, lui, était entré et avait accepté un verre. Dès que Jean eut attaché le cheval à un des volets, il suivit son maître. Françoise, qui l'appelait d'un petit signe, dans la mercerie, lui conta son départ, toute l'affaire ; et il en fut si remué, il craignit tellement de la compromettre, devant le monde, qu'il revint s'asseoir sur un banc du cabaret, après avoir simplement murmuré qu'il faudrait se revoir, afin de s'entendre.
Ah ! nom de Dieu ! vous n'êtes pas dégoûtés tout de même, si vous votez pour ce cadet-là ! cria Hourdequin en reposant son verre.
Son explication avec monsieur Rochefontaine l'avait décidé à la lutte ouverte, quitte à rester sur le carreau. Et il ne le ménagea plus, il le compara à monsieur de Chédeville, un si brave homme, pas fier toujours heureux de rendre service, un vrai noble de la vieille France enfin ! tandis que ce grand pète-sec, ce millionnaire à la mode d'aujourd'hui, hein ? regardait-il les gens du haut de sa grandeur, jusqu'à refuser de goûter le vin du pays, de peur sans doute d'être empoisonné ! Voyons, voyons, ce n'était pas possible ! on ne changeait pas un bon cheval contre un cheval borgne !
Dites, qu'est-ce que vous reprochez à monsieur de Chédeville ? voilà des années qu'il est votre député, il a toujours fait votre affaire... Et vous le lâchez pour unbougre que vous traitiez comme un gueux, aux dernières élections, lorsque le gouvernement le combattait ! Rappelez-vous, que diable !
Macqueron, ne voulant pas s'engager directement, affectait d'aider sa femme à servir. Tous les paysans avaient écouté, le visage immobile, sans qu'un pli indiquât leur pensée secrète. Ce fut Delhomme qui répondit :
Quand on ne connaît pas le monde !
Mais vous le connaissez maintenant, cet oiseau ! Vous l'avez entendu dire qu'il veut le blé à bon marché, qu'il votera pour que les blés étrangers viennent écraser les nôtres. Je vous ai déjà expliqué ça, c'est la vraie ruine... Et, si vous êtes assez bêtes pour le croire ensuite, quand il vous fait de belles promesses ! Oui, oui, votez ! ce qu'il se fichera de vous plus tard !
Un sourire vague avait paru sur le cuir tanné de Delhomme. Toute la finesse endormie au fond de cette intelligence droite et bornée, apparut en quelques phrases lentes.
Il dit ce qu'il dit, on en croit ce qu'on en croit... Lui ou un autre, mon Dieu !... On n'a qu'une idée, voyez-vous, celle que le gouvernement soit solide pour faire aller les affaires ; et alors, n'est-ce pas ? histoire de ne point se tromper, le mieux est d'envoyer au gouvernement le député qu'il demande... Ça nous suffit que ce monsieur de Châteaudun soit l'ami de l'empereur.
A ce dernier coup, Hourdequin demeura étourdi. Mais c'était monsieur de Chédeville, qui, autrefois, étaitl'ami de l'empereur ! Ah ! race de serfs, toujours au maître qui la fouaille et la nourrit, aujourd'hui encore dans l'aplatissement et l'égoïsme héréditaires, ne voyant rien, ne sachant rien, au-delà du pain de la journée !
Eh bien ! tonnerre de Dieu ! je vous jure que le jour où ce Rochefontaine sera nommé, je foutrai ma démission, moi ! Est-ce qu'on me prend pour un polichinelle, à dire blanc et à dire noir !... Si ces brigands de républicains étaient aux Tuileries, vous seriez avec eux, ma parole !
Les yeux de Macqueron avaient flambé. Enfin, ça y était, le maire venait de signer sa chute ; car l'engagement qu'il prenait aurait suffi, dans son impopularité, à faire voter le pays contre monsieur de Chédeville.
Mais, à ce moment, Jésus-Christ, oublié dans son coin avec son ami Canon, rigola si fort, que tous les yeux se portèrent sur lui. Les coudes au bord de la table, le menton dans les mains, il répétait très haut, avec des ricanements de mépris, en regardant les paysans qui étaient là :
Tas de couillons ! tas de couillons !
Et ce fut justement sur ce mot que Buteau entra. Son œil vif, qui, dès la porte, avait découvert Françoise dans la mercerie, reconnut tout de suite Jean, assis contre le mur, écoutant, attendant son maître. Bon ! la fille et le galant étaient là, on allait voir !
Tiens ! v'là mon frère, le plus couillon de tous ! gueula Jésus-Christ.
Des grognements de menace s'élevèrent, on parlait de flanquer le mal embouché dehors, lorsque Leroi, dit Canon, s'en mêla, de sa voix éraillée de faubourien, qui avait disputé dans toutes les réunions socialistes de Paris.
Tais ta gueule, mon petit ! Ils ne sont pas si bêtes qu'ils en ont l'air... Ecoutez donc, vous autres, les paysans, qu'est-ce que vous diriez, si l'on collait, en face, à la porte de la mairie, une affiche où il y aurait, imprimé en grosses lettres : Commune révolutionnaire de Paris : primo, tous les impôts sont abolis ; secundo, le service militaire est aboli... Hein ? qu'est-ce que vous en diriez, les culs-terreux ?
L'effet fut si extraordinaire, que Delhomme, Fouan, Clou, Bécu, demeurèrent béants, les yeux arrondis. Lequeu en lâcha son journal ; Hourdequin qui s'en allait, rentra ; Buteau, oubliant Françoise, s'assit sur un coin de table. Et ils regardaient tous ce déguenillé, ce rouleur de routes, l'effroi des campagnes, vivant de maraudes et d'aumônes forcées. L'autre semaine, on l'avait chassé de la Borderie, où il était apparu comme un spectre, dans le jour tombant. C'était pourquoi il couchait à cette heure chez cette fripouille de Jésus-Christ, d'où il disparaîtrait le lendemain peut-être.
Je vois que ça vous gratterait tout de même au bon endroit, reprit-il d'un air gai.
Nom de Dieu, oui ! confessa Buteau. Quand on pense que j'ai encore porté hier de l'argent au percepteur ! Ça n'en finit jamais, ça nous mange la peau du corps !
Et ne plus voir ses garçons partir, ah ! bon sang ! s'écria Delhomme. Moi qui paie pour exempter Nénesse, je sais ce que ça me coûte.
Sans compter, ajouta Fouan, que si vous ne pouvez pas payer, on vous les prend et on vous les tue.
Canon hochait la tête, triomphait en riant.
Tu vois bien, dit-il à Jésus-Christ, qu'ils ne sont pas si bêtes que ça, les culs-terreux !
Puis, se retournant :
On nous crie que vous êtes conservateurs, que vous ne laisserez pas faire... Conservateurs de vos intérêts, oui, n'est-ce pas ? Vous laisserez faire et vous aiderez à faire tout ce qui vous rapportera. Hein ? pour garder vos sous et vos enfants, vous en commettriez des choses !... Autrement, vous seriez de rudes imbéciles !
Personne ne buvait plus, un malaise commençait à paraître sur ces visages épais. Il continua, goguenard, s'amusant à l'avance de l'effet qu'il allait produire.
Et c'est pourquoi je suis bien tranquille, moi qui vous connais, depuis que vous me chassez de vos portes à coups de pierres... Comme le disait ce gros monsieur-là, vous serez avec nous, les rouges, les partageux, quand nous serons aux Tuileries.
Ah ! ça, non ! crièrent à la fois Buteau, Delhomme et les autres.
Hourdequin, qui avait écouté attentivement, haussa les épaules.
Vous perdez votre salive, mon brave !
Mais Canon souriait toujours, avec la belle confiance d'un croyant. Renversé, le dos contre la muraille, il s'y frottait une épaule après l'autre, dans un léger dandinement de caresse inconsciente. Et il expliquait l'affaire, cette révolution dont l'annonce de ferme en ferme, mystérieuse, mal comprise, épouvantait les maîtres et les serviteurs. D'abord, les camarades de Paris s'empareraient du pouvoir : ça se passerait peut-être naturellement, on aurait à fusiller moins de monde qu'on ne croyait, tout le grand bazar s'effondrerait de lui-même, tant il était pourri. Puis, lorsqu'on serait les maîtres absolus, dès le soir, on supprimerait la rente, on s'emparerait des grandes fortunes, de façon que la totalité de l'argent, ainsi que les instruments du travail, feraient retour à la nation ; et l'on organiserait une société nouvelle, une vaste maison financière, industrielle et commerciale, une répartition logique du labeur et du bien-être. Dans les campagnes, ce serait plus simple encore. On commencerait par exproprier les possesseurs du sol, on prendrait la terre...
Essayez donc ! interrompit de nouveau Hourdequin. On vous recevrait à coups de fourche, pas un petit propriétaire ne vous en laisserait prendre une poignée.
Est-ce que j'ai dit qu'on tourmenterait les pauvres ? répondit Canon, gouailleur. Faudrait que nous soyons rudement serins, pour nous fâcher avec les petits... Non, non, on respectera d'abord la terre des malheureux bougres qui se crèvent à cultiver quelquesarpents... Et ce qu'on prendra seulement, ce sont les deux cents hectares des gros messieurs de votre espèce, qui font suer des serviteurs à leur gagner des écus... Ah ! nom de Dieu ! je ne crois pas que vos voisins viennent vous défendre avec leurs fourches. Ils seront trop contents !
Macqueron ayant éclaté d'un gros rire, comme voyant la chose en farce, tous l'imitèrent ; et le fermier, pâlissant, sentit l'antique haine : ce gueux avait raison, pas un de ces paysans, même le plus honnête, qui n'aurait aidé à le dépouiller de la Borderie !
Alors, demanda sérieusement Buteau, moi qui possède environ dix setiers, je les garderai, on me les laissera ?
Mais bien sûr, camarade... Seulement, on est certain que, plus tard, lorsque vous verrez les résultats obtenus, à côté, dans les fermes de la nation, vous viendrez, sans qu'on vous en prie, y joindre votre morceau... Une culture en grand, avec beaucoup d'argent, des mécaniques, d'autres affaires encore, tout ce qu'il y a de mieux comme science. Moi, je ne m'y connais pas ; mais faut entendre parler là-dessus des gens, à Paris, qui expliquent très bien que la culture est foutue, si l'on ne se décide pas à la pratiquer ainsi !... Oui, de vous-même, vous donnerez votre terre.
Buteau eut un geste de profonde incrédulité, ne comprenant plus, rassuré pourtant, puisqu'on ne lui demandait rien ; tandis que, repris de curiosité depuis que l'homme s'embrouillait sur cette grande culture nationale, Hourdequin prêtait de nouveau une oreille patiente. Lesautres attendaient la fin, comme au spectacle. Deux fois, Lequeu, dont la face blême s'empourprait, avait ouvert la bouche, pour s'en mêler ; et, chaque fois, en homme prudent, il s'était mordu la langue.
Et ma part, à moi ! cria brusquement Jésus-Christ. Chacun doit avoir sa part. Liberté, égalité, fraternité !
Canon, du coup, s'emporta, levant la main comme s'il giflait le camarade.
Vas-tu me foutre la paix avec ta liberté, ton égalité et ta fraternité !... Est-ce qu'on a besoin d'être libre ? une jolie farce ! Tu veux donc que les bourgeois nous collent encore dans leur poche ? Non, non, on forcera le peuple au bonheur, malgré lui !... Alors, tu consens à être l'égal, le frère d'un huissier ? Mais, bougre de bête ! c'est en gobant ces âneries-là que tes républicains de 48 ont foiré leur sale besogne !
Jésus-Christ, interloqué, déclara qu'il était pour la grande Révolution.
Tu me fais suer, tais-toi !... Hein ? 89, 93 ! oui, de la musique ! une belle menterie dont on nous casse les oreilles ! Est-ce que ça existe, cette blague, à côté de ce qu'il reste à faire ? On va voir ça, quand le peuple sera le maître, et ça ne traînera guère, tout craque, je te promets que notre siècle, comme on dit, finira d'une façon autrement chouette que l'autre. Un fameux nettoyage, un coup de torchon comme il n'y en a jamais eu !
Tous frémirent, et ce soûlard de Jésus-Christ lui-même se recula, effrayé, dégoûté, du moment qu'on n'était plus frères. Jean, intéressé jusque-là, eut aussi ungeste de révolte. Mais Canon s'était levé, les yeux flambants, la face noyée d'une extase prophétique.
Et il faut que ça arrive, c'est fatal, comme qui dirait un caillou qu'on a lancé en l'air et qui retombe forcément... Et il n'y a plus là-dedans des histoires de curé, des choses de l'autre monde, le droit, la justice, qu'on n'a jamais vues, pas plus qu'on n'a vu le bon Dieu ! Non, il n'y a que le besoin que nous avons tous d'être heureux... Hein ? mes bougres, dites-vous qu'on va s'entendre pour que chacun s'en donne par-dessus la tête, avec le moins de travail possible ! Les machines travailleront pour nous, la journée de simple surveillance ne sera plus que de quatre heures ; peut-être même qu'on arrivera à se croiser complètement les bras. Et partout des plaisirs, tous les besoins cultivés et contentés, oui ! de la viande, du vin, des femmes, trois fois davantage qu'on n'en peut prendre aujourd'hui, parce qu'on se portera mieux. Plus de pauvres, plus de malades, plus de vieux, à cause de l'organisation meilleure, de la vie moins dure, des bons hôpitaux, des bonnes maisons de retraite. Un paradis ! toute la science mise à se la couler douce ! la vraie jouissance enfin d'être vivant !
Buteau, emballé, donna un coup de poing sur une table, en gueulant :
L'impôt, foutu ! le tirage au sort, foutu ! tous les embêtements, foutus ! rien que le plaisir !... Je signe.
Bien sûr, déclara Delhomme sagement. Faudrait être l'ennemi de son corps pour ne pas signer.
Fouan approuva, ainsi que Macqueron, Clou et les autres. Bécu, stupéfié, bouleversé dans ses idéesautoritaires, vint demander tout bas à Hourdequin s'il ne fallait pas coffrer ce brigand, qui attaquait l'empereur.
Mais le fermier le calma d'un haussement d'épaules. Ah ! oui, le bonheur ! on le rêvait par la science après l'avoir rêvé par le droit : c'était peut-être plus logique, ça n'était toujours pas pour le lendemain. Et il partait de nouveau, il appelait Jean, tout à la discussion, lorsque Lequeu céda brusquement à son besoin de s'en mêler, dont il étouffait, comme d'une rage contenue.
A moins, lâcha-t-il de sa voix aigre, que vous ne soyez tous crevés avant ces belles affaires... Crevés de faim ou crevés à coups de fusil par les gendarmes, si la faim vous rend méchants...
On le regardait, on ne comprenait pas.
Certainement que, si le blé continue à venir d'Amérique, il n'existera plus dans cinquante ans un seul paysan en France... Est-ce que notre terre pourra lutter avec celle de là-bas ? A peine commencerons-nous à y essayer la vraie culture, que nous serons inondés de grains... J'ai lu un livre qui en dit long, c'est vous autres qui êtes foutus...
Mais, dans son comportement, il eut la soudaine conscience de tous ces visages effarés, tournés vers lui. Et il n'acheva même pas sa phrase, il termina par un furieux geste, puis affecta de se replonger dans la lecture de son journal.
C'est bien à cause du blé d'Amérique, déclara Canon, que vous serez foutus en effet, tant que le peuple ne s'emparera pas des grandes terres.
Et moi, conclut Hourdequin, je vous répète qu'il ne faut point que ce blé entre... Après ça, votez pour monsieur Rochefontaine, si vous avez assez de moi à la mairie et si vous voulez le blé à quinze francs.
Il remonta dans son cabriolet, suivi de Jean. Puis, comme ce dernier fouettait le cheval, après avoir échangé un regard d'entente avec Françoise, il dit à son maître qui l'approuva d'un hochement de tête :
Faudrait pas trop songer à ces machines-là, on en deviendrait fou.
Dans le cabaret, Macqueron parlait vivement à Delhomme, tout bas, tandis que Canon, qui avait repris son air de se ficher du monde, achevait le cognac en blaguant Jésus-Christ démonté, qu'il appelait " mademoiselle Quatre-vingt-treize ". Mais Buteau, sortant d'une songerie, s'aperçut brusquement que Jean s'en était allé, et il resta surpris de retrouver là Françoise, à la porte de la salle, où elle était venue se planter en compagnie de Berthe, pour entendre. Cela le fâcha d'avoir perdu son temps à la politique, elle vous prenait tout de même au ventre. Il eut, dans un coin, une longue explication avec Cœlina, qui finit par l'empêcher de faire un esclandre immédiat ; valait mieux que Françoise retournât chez lui d'elle-même, quand on l'aurait calmée ; et il partit à son tour, en menaçant de la venir chercher avec une corde et un bâton, si on ne la décidait pas.
Le dimanche suivant, monsieur Rochefontaine fut élu député, et Hourdequin ayant envoyé sa démission au préfet, Macqueron enfin devint maire, crevant dans sa peau d'insolent triomphe.
Ce soir-là, on surprit Lengaigne, enragé, qui posait culotte à la porte de son rival victorieux. Et il gueula :
Je fais où ça me dit, maintenant que les cochons gouvernent !