La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°970)

Chapitre V

Chez Louise, il n'y avait eu longtemps qu'un jeu naturel de coquetterie. Elle adorait les petits soins, les louanges chuchotées, l'effleurement des hommes aimables, tout de suite dépaysée et triste si l'on ne s'occupait plus d'elle. Ses sens de vierge dormaient, elle en restait seulement au caquetage, aux privautés permises d'une cour galante de chaque minute. Lorsque Lazare la négligeait un instant pour écrire une lettre ou pour s'absorber dans une de ses mélancolies subites, sans cause apparente, elle devenait si malheureuse, qu'elle se mettait à le taquiner, à le provoquer, préférant le danger à l'oubli. Plus tard, cependant, la peur l'avait prise, un jour que l'haleine du jeune homme passait comme une flamme sur sa nuque délicate. Elle était suffisamment instruite par ses longues années de pensionnat, pour ne rien ignorer de ce qui la menaçait ; et, dès ce moment, elleavait vécu dans l'attente à la fois délicieuse et effrayée d'un malheur possible ; non qu'elle le souhaitât le moins du monde, ni même qu'elle en raisonnât nettement, car elle comptait bien y échapper, sans cesser de s'y exposer, pourtant, tellement son bonheur de femme était fait de cette lutte à fleur d'épiderme, de son abandon et de son refus.

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