La Joie de vivre
La Joie de vivre (paragraphe n°1824)
Chapitre IX
Il lui baisait les mains, il finissait par les mordiller, le sang à la face, dans un coup de désir qui l'aveuglait. Et ils ne parlèrent plus, ce fut une folie commune, un vertige où ils tombèrent ensemble, la tête perdue, pris du même étourdissement. Elle s'abandonnait, glissée au fond du fauteuil, la face rouge et gonflée, les yeux fermés, comme pour ne plus voir. D'une main brutale, il avait déjà déboutonné son corsage, il cassait les agrafes des jupons, lorsque ses lèvres rencontrèrent les siennes. Il lui donna un baiser, qu'elle lui rendit furieusement, en le serrant au cou de toute la force de ses deux bras. Mais, dans cette secousse de son corps vierge, elle avait ouvert les yeux, elle se vit roulant sur le carreau, elle reconnut la lampe, l'armoire, le plafond, dont les moindres taches lui étaient familières ; et elle sembla s'éveiller, avec la surprise d'une personne qui se retrouve chez elle, au sortir d'un rêve terrible. Violemment, elle se débattit, se mit debout. Ses jupons glissaient, son corsage ouvert avait laissé jaillir sa gorge nue. Un cri lui échappa, dans le silence haletant de la pièce.