La Joie de vivre
La Joie de vivre (paragraphe n°1741)
Chapitre IX
Pauline ne se tourmenta pas trop de ce nouvel avortement, qu'elle avait deviné derrière l'embarras des dernières lettres de Lazare. Ce qui l'émotionnait surtout, c'était cette mésintelligence grandie peu à peu entre lui et sa femme. Elle cherchait la cause : comment en arrivaient-ils si rapidement à ce malaise, eux jeunes, pouvant vivre à l'aise, n'ayant d'autre souci que celui de leur bonheur ? Vingt fois, elle revint sur ce sujet, et elle ne cessa d'interroger son cousin que devant la gêne où elle le mettait chaque fois : il balbutiait, pâlissait, détournait les regards. Elle avait bien reconnu cet air de honte et de peur, l'angoisse de la mort dont il cachait le frisson jadis, ainsi qu'on dissimule un vice secret ; mais était-il possible que le froid du jamais plus se fût couché entre eux, dans le lit encore brûlant de leurs noces ? Plusieurs jours, elle douta ; puis, sans qu'il se fût confessé davantage, elle lut dans ses yeux la vérité, un soir où il descendit de sa chambre, sans lumière, bouleversé, comme s'il fuyait devant des spectres.