La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1701)

Chapitre IX

Pauline, comme si son cœur se fût réglé sur ce mouvement d'horloge, retrouvait son grand calme. Ses souffrances s'engourdissaient, bercées par les jours réguliers, promenées dans des occupations qui revenaient toujours les mêmes. Elle descendait le matin, embrassait son oncle, avait avec la bonne la conversation de la veille, s'asseyait deux fois à table, cousait l'après-midi, se couchait tôt le soir ; et, le lendemain la journée recommençait, sans que jamais un événement inattendu en vint rompre la monotonie. Chanteau, de plus en plus noué par la goutte, les jambes gonflées, les mains difformes, restait muet quand il ne hurlait pas, enfoncé dans la béatitude de ne pas souffrir. Véronique, qui semblait avoir perdu sa langue, tombait à une maussaderie sombre. Seuls, les dîners du samedi dérangeaient cette paix, Cazenove et l'abbé Horteur dînaient exactement, on entendait des voix jusqu'à dixheures, puis les sabots du prêtre s'en allaient sur le pavé de la cour, tandis que le cabriolet du médecin partait, avec le trot pesant du vieux cheval. La gaieté même de Pauline s'était faite tranquille, cette gaieté vaillante qu'elle avait gardée au milieu de ses tourments. Son rire sonore n'emplissait plus l'escalier et les pièces ; mais elle demeurait l'activité et la bonté de la maison, elle y apportait chaque matin un nouveau courage à vivre. Au bout d'une année, son cœur dormait, elle pouvait croire que les heures, maintenant, couleraient de la sorte, uniformes et douces, sans que rien réveillât en elle la douleur assoupie.

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