La Joie de vivre
La Joie de vivre (paragraphe n°1595)
Chapitre VIII
La nuit entière se passa au milieu de cette lutte. Quand le jour parut, Pauline se déshabilla enfin. Elle était très calme, elle goûta dans le lit un profond repos, sans pouvoir dormir encore. Jamais elle ne s'était sentie si légère, si haute, si détachée. Tout finissait, elle venait de couper les liens de son égoïsme, elle n'espérait plus enrien ni en personne ; et il y avait, au fond d'elle, la volupté subtile du sacrifice. Même elle ne retrouvait pas son ancienne volonté de suffire au bonheur des siens, ce besoin autoritaire qui lui apparaissait à cette heure comme le dernier retranchement de sa jalousie. L'orgueil de son abnégation s'en était allé, elle acceptait que les siens fussent heureux en dehors d'elle, C'était le degré suprême dans l'amour des autres : disparaître, donner tout sans croire qu'on donne assez, aimer au point d'être joyeux d'une félicité qu'on n'a pas faite et qu'on ne partagera pas. Le soleil se levait, lorsqu'elle s'endormit d'un grand sommeil.