La Joie de vivre
La Joie de vivre (paragraphe n°1537)
Chapitre VIII
En un mois, il changea tellement, que Pauline, désespérée, passait des nuits affreuses. Le jour encore, elle demeurait vaillante, toujours debout dans cette maison qu'elle dirigeait, de son air de douce autorité. Mais, le soir, lorsqu'elle avait fermé sa porte, il lui était permis d'avoir ses chagrins, et tout son courage s'en allait, et elle pleurait comme une enfant débile. Il ne lui restait aucune espérance, l'échec à sa bonté s'aggravait sans cesse. C'était donc possible ? la charité ne suffisait pas, on pouvait aimer les gens et faire leur malheur ; car elle voyait son cousin malheureux, peut-être par sa faute. Puis, au fond de son doute, grandissait la crainte d'une influence rivale. Si elle s'était longtemps rassurée, en expliquant cette humeur noire par leur deuil récent, l'idée de Louise maintenant revenait, cette idée qui s'était dressée en elle, le lendemain même de la mort de madame Chanteau, qu'elle avait chassée avec une confiance orgueilleuse en sa tendresse et qui renaissait chaque soir, dans la défaite de son cœur.