La Joie de vivre
La Joie de vivre (paragraphe n°135)
Chapitre I
Et les choses furent réglées ainsi. Chanteau avait justement acheté, deux années auparavant, une maison au bord de la mer, à Bonneville, une occasion pêchée dans la débâcle d'un client insolvable. Au lieu de la revendre, comme elle en avait eu un moment l'idée, madame Chanteau décida qu'on se retirerait là-bas, au moins jusqu'aux premiers triomphes de Lazare. Renoncer à ses réceptions, s'enfouir dans un trou perdu, était pour elle un suicide ; mais elle cédait sa maison entière à Davoine, il lui aurait fallu louer autre part, et le courage lui venait de faire des économies, avec l'idée entêtée d'opérer plus tard une rentrée triomphale à Caen, lorsque son fils y occuperait une grande position. Chanteau approuvait tout. Quant à sa goutte, elle devrait s'accommoder du voisinage de la mer, d'ailleurs, sur trois médecins consultés, deux avaient eu l'obligeance de déclarer que le vent du large tonifierait d'une façon puissante l'état général. Donc, un matin de mai, les Chanteau, laissant au lycée Lazare, âgé alors de quatorze ans, partirent pour s'installer définitivement à Bonneville.