La Joie de vivre
La Joie de vivre (paragraphe n°1299)
Chapitre VII
Elle ne répondit pas, elle continua de le suivre jusqu'à la plage. Là, les épis et une grande estacade, qu'on avait construite dernièrement, soutenaient un effroyable assaut. Les vagues, de plus en plus grosses, tapaient comme des béliers, l'une après l'autre ; et l'armée en était innombrable, toujours des masses nouvelles se ruaient. De grands dos verdâtres, aux crinières d'écume, moutonnaient à l'infini, se rapprochaient sous une poussée géante ; puis, dans la rage du choc, ces monstresvolaient eux-mêmes en poussière d'eau, tombaient en une bouillie blanche, que le flot paraissait boire et remporter. Sous chacun de ces écroulements, les charpentes des épis craquaient. Un déjà avait eu ses jambes de force cassées, et la longue poutre centrale, retenue par un bout, branlait désespérément, ainsi qu'un tronc mort dont la mitraille aurait coupé les membres. Deux autres résistaient mieux ; mais on les sentait trembler dans leurs scellements, se fatiguer et comme s'amincir, au milieu de l'étreinte mouvante qui semblait vouloir les user pour les rompre.