La Joie de vivre
La Joie de vivre (paragraphe n°1191)
Chapitre VI
Alors, les souffrances personnelles de Pauline, ses tourments d'amour furent définitivement emportés dans cette douleur commune. Elle ne songeait plus à sa plaie récente qui saignait encore la veille, elle n'avait plus ni violence ni jalousie, devant une si grande misère. Tout se noyait au fond d'une pitié immense, elle aurait voulu pouvoir aimer davantage, se dévouer, se donner, supporter l'injustice et l'injure, pour mieux soulager les autres. C'était comme une bravoure à prendre la grosse part du mal de la vie. Dès ce moment, elle n'eut pas un abandon, elle montra devant ce lit de mort le calme résigné qu'elle avait eu lorsque la mort la menaçait elle-même. Toujours prête, elle ne se rebutait de rien. Et sa tendresse était même revenue, elle pardonnait à sa tante l'emportement des crises, elle la plaignait de s'être lentement enragée ainsi, préférant la revoir dans les années anciennes, l'aimant de nouveau, comme elle l'aimait à dix ans, lorsqu'elle était arrivée avec elle à Bonneville, un soir, par un vent de tempête.