La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°916)

Partie : Préface, chapitre V

Enfin les beaux jours revinrent, avril amena des nuits douces, l'herbe de l'allée verte grandit follement. Dans ce flot de vie coulant du ciel et montant du sol, au milieu des ivresses de la jeune saison, parfois les amoureux regrettèrent leur solitude d'hiver, les soirs de pluie, les nuits glacées, pendant lesquels ils étaient si perdus, si loin de tous bruits humains. Maintenant le jour ne tombait plus assez vite ; ils maudissaient les longs crépuscules et lorsque la nuit était devenue assez noirepour que Miette pût grimper sur le mur sans danger d'être vue, lorsqu'il, étaient enfin parvenus à se glisser dans leur cher sentier, ils n'y trouvaient plus l'isolement qui plaisait à leur sauvagerie d'enfants amoureux. L'aire Saint-Mittre se peuplait, les gamins du faubourg restaient sur les poutres à se poursuivre, à crier, jusqu'à onze heures ; il arriva même parfois qu'un d'entre eux vînt se cacher derrière les tas de planches, en jetant à Miette et à Silvère le rire effronté d'un vaurien de dix ans. La crainte d'être surpris, le réveil, les bruits de la vie qui grandissaient autour d'eux, à mesure que la saison devenait plus chaude, rendirent leurs entrevues inquiètes.

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