La Fortune des Rougon
La Fortune des Rougon (paragraphe n°254)
Partie : Préface, chapitre II
Leur logement, situé au deuxième étage, se composait de trois grandes pièces ; ils en avaient fait une salle à manger, un salon et une chambre à coucher. Aupremier, demeurait le propriétaire, un marchand de cannes et de parapluies, dont le magasin occupait le rez-de-chaussée. La maison, étroite et peu profonde, n'avait que deux étages. Quand Félicité emménagea, elle eut un affreux serrement de cœur. Demeurer chez les autres, en province, est un aveu de pauvreté. Chaque famille bien posée à Plassans a sa maison, les immeubles s'y vendant à très bas prix. Pierre tint serrés les cordons de sa bourse ; il ne voulut pas entendre parler d'embellissements ; l'ancien mobilier, fané, usé, éclopé, dut servir sans être seulement réparé. Félicité, qui sentait vivement, d'ailleurs, les raisons de cette ladrerie, s'ingénia pour donner un nouveau lustre à toutes ces ruines ; elle recloua elle-même certains meubles plus endommagés que les autres ; elle reprisa le velours éraillé des fauteuils.