La Fortune des Rougon
La Fortune des Rougon (paragraphe n°1626)
Partie : Préface, chapitre VII
L'aire s'étendait, désolée, sous le ciel jaune. La clarté des nuages cuivrés traînait en reflets louches. Jamais le champ nu, le chantier où les poutres dormaient, comme roidies par le froid, n'avait eu les mélancolies d'un crépuscule si lent, si navré. Au bord de la route, les prisonniers, les soldats, la foule disparaissaient dans le noir des arbres. Seuls le terrain, les madriers, les tas de planches pâlissaient dans les clartés mourantes, avec des teintes limoneuses, un aspect vague de torrent desséché. Les tréteaux des scieurs de long, profilant dans un coin leur charpente maigre, ébauchaient des angles de potence, des montants de guillotine. Et il n'y avait de vivant que trois bohémiens montrant leurs têtes effarées à la porte de leur voiture, un vieux et une vieille, et une grande fille aux cheveux crépus, dont les yeux luisaient comme des yeux de loups.