La Fortune des Rougon
La Fortune des Rougon (paragraphe n°1606)
Partie : Préface, chapitre VII
Cette franchise brutale déplut à Félicité. Aristide, comme son père, comme sa mère, avait son cadavre. Sûrement, il n'aurait pas avoué avec une telle carrure qu'il flânait au faubourg et qu'il avait laissé casser la tête à son cousin, si les vins de l'hôtel de Provence et les rêves qu'il bâtissait sur sa prochaine arrivée à Paris ne l'eussent fait sortir de sa sournoiserie habituelle. La phrase lâchée, il se dandina sur sa chaise. Pierre, qui de loin suivait la conversation de sa femme et de son fils, comprit, échangea avec eux un regard de complice implorant lesilence. Ce fut comme un dernier souffle d'effroi qui courut entre les Rougon, au milieu des éclats et des chaudes gaietés de la table. En venant reprendre sa place, Félicité aperçut de l'autre côté de la rue, derrière une vitre, un cierge qui brûlait ; on veillait le corps de monsieur Peirotte, rapporté le matin de Sainte-Roure. Elle s'assit, en sentant, derrière elle, ce cierge lui chauffer le dos. Mais les rires montaient, le salon jaune s'emplit d'un cri de ravissement, lorsque le dessert parut.