La Fortune des Rougon
La Fortune des Rougon (paragraphe n°151)
Partie : Préface, chapitre I
Certes, Miette était une enfant. Elle avait pâli à l'approche de la bande, elle avait pleuré ses tendresses envolées ; mais elle était une enfant de courage, une nature ardente que l'enthousiasme exaltait aisément. Aussi l'émotion qui l'avait peu à peu gagnée, la secouait-elle maintenant tout entière. Elle devenait un garçon. Volontiers elle eût pris une arme et suivi les insurgés. Ses dents blanches, à mesure que défilaient les fusils et les faux, se montraient plus longues et plus aiguës, entre ses lèvres rouges, pareilles aux crocs d'un jeune loup qui aurait des envies de mordre Et lorsqu'elle entendit Silvère dénombrer d'une voix de plus en plus pressée les contingents des campagnes, il lui sembla que l'élan de la colonne s'accélérait encore, à chaque parole du jeune homme. Bientôt ce fut un emportement, une poussièred'hommes balayée par une tempête. Tout se mit à tourner devant elle. Elle ferma les yeux. De grosses larmes chaudes coulaient sur ses joues.