La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°924)

Partie : Livre 2, chapitre VIII

Un silence se fit. Serge se leva du canapé où il était resté allongé. Il riait, il prétendait que les histoires ne l'amusaient pas. Le soleil baissait, lorsque Albine consentit enfin à descendre un instant au jardin. Elle le mena, à gauche, le long du mur de clôture, jusqu'à un champ de décombres, tout hérissé de ronces. C'était l'ancien emplacement du château, encore noir de l'incendie qui avait abattu les murs. Sous les ronces, des pierres cuites se fendaient, des éboulements de charpentes pourrissaient. On eût dit un coin de roches stériles, raviné, bossué, vêtu d'herbe rude, de lianes rampantes qui se coulaient dans chaque fente comme des couleuvres. Et ils s'égayèrent à traverser en tous sens cette fondrière, descendant au fond des trous, flairant les débris, cherchant s'ils ne devineraient rien de ce passé en cendre. Ils n'avouaient pas leur curiosité, ils se poursuivaient au milieu des planchers crevés et des cloisons renversées ; mais, à la vérité, ils ne songeaient qu'aux légendes de ces ruines, à cette dame plus belle que le jour, qui avait traîné sa jupe de soie sur ces marches, où les lézards seuls aujourd'hui se promenaient paresseusement.

?>