La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°870)

Partie : Livre 2, chapitre VII

Elle l'entraîna de nouveau. Ils firent le tour des autres bassins. Dans le bassin voisin, des amarantes avaient poussé, hérissant des crêtes monstrueuses qu'Albine n'osait toucher, songeant à de gigantesques chenilles saignantes. Des balsamines, jaune paille, fleur de pêcher, gris de lin, blanc lavé de rose, emplissaient une autre vasque, où les ressorts de leurs graines partaient avec de petits bruits secs. Puis, c'était au milieu des débris d'une fontaine une collection d'œillets splendides : des œillets blancs débordaient de l'auge moussue ; des œillets panachés plantaient dans les fentes des pierres le bariolage de leurs ruches de mousseline découpée ; tandis que, au fond de la gueule du lion qui jadis crachait l'eau, un grand œillet rouge fleurissait, en jets si vigoureux que le vieux lion mutilé semblait, à cette heure, cracher des éclaboussures de sang. Et, à côté, la pièce d'eauprincipale, un ancien lac où des cygnes avaient nagé, était devenue un bois de lilas, à l'ombre duquel des quarantaines, des verveines, des belles-de-jour, protégeaient leur teint délicat, dormant à demi, toutes moites de parfums.

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