La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°615)

Partie : Livre 1, chapitre XIV

Au mois de mai, l'attente du jeune prêtre était pleine d'un heureux espoir. Il ne s'inquiétait même plus des gronderies de la Teuse. S'il restait si tard à prier dans l'église, c'était avec l'idée folle que la grande Vierge dorée finirait par descendre. Et pourtant, il la redoutait, cette Vierge qui ressemblait à une princesse. Il n'aimait pas toutes les Vierges de la même façon. Celle-là le frappait d'un respect souverain. Elle était la Mère de Dieu ; elle avait l'ampleur féconde, la face auguste, les bras forts de l'Epouse divine portant Jésus. Il se la figurait ainsi au milieu de la Cour céleste, laissant traîner parmi les étoiles la queue de son manteau royal, trop haute pour lui, si puissante, qu'il tomberait en poudre, si elle daignait abaisser les yeux sur les siens. Elle était la Vierge de ses jours de défaillance, la Vierge sévère qui lui rendait la paix intérieure par la redoutable vision du paradis.

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