La Faute de l'Abbé Mouret
La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°290)
Partie : Livre 1, chapitre VIII
Eh ! je ne suis qu'un pauvre homme, répondit le vieux en rallumant sa pipe. Quand le comte de Corbière, dont j'étais le frère de lait, est mort d'une chute de cheval, les enfants m'ont envoyé garder ce parc de la Belle-au-bois-dormant, pour se débarrasser de moi. J'avais soixante ans, je me croyais fini. Mais la mort m'a oublié. Et j'ai dû m'arranger un trou... Voyez-vous, lorsqu'on vit tout seul, on finit par voir les choses d'une drôle de façon.Les arbres ne sont plus des arbres, la terre prend des airs de personne vivante, les pierres vous racontent des histoires. Des bêtises, enfin. Je sais des secrets qui vous renverseraient. Puis, que voulez-vous qu'on fasse, dans ce diable de désert ? J'ai lu les bouquins, ça m'a plus amusé que la chasse... Le comte, qui sacrait comme un païen, m'avait toujours répété : " Jeanbernat, mon garçon, je compte bien te retrouver en enfer, pour que tu me serves là-bas comme tu m'auras servi là-haut. "